LA LIGNE CHAUVINEAU
SECTEUR DE L'ISLE-ADAM
Vous trouverez ci-dessous le texte intégrale d'une plaquette écrite par le Docteur Louis Senlecq, président du Comité pour que soit érigé un monument en souvenir des 112 soldats tombés pour la France en défendant les passages de l'Oise à L'Isle-Adam.
Un Comité s’est constitué pour élever un monument destiné à commémorer les journées des 10, 11, 12 et 13 Juin 1940 au cours desquelles 112 soldats français sont tombés sur notre territoire pour défendre le passage de l'Oise contre l'envahisseur.
Notre pensée se doit
d'aller à ces soldats, dont les chefs qui les ont vus à l’œuvre, témoignent de
leur bravoure, de leur courage de leur héroïsme; notre souvenir doit perpétuer
à jamais celui de ces premiers résistants de 1940 qui sont morts en songeant peut-être
que bataille perdue n'est pas guerre perdue, et qui, dans une lutte désespérée,
on mis toute leur énergie à garder au Monde le miel, cependant que les barbares
détruisaient les ruches et leurs abeilles.
Ils sont tombés par
amour de la Patrie et pour la sauvegarde de la France, animés d'idées
différentes, mais unis dans l'action. Ils sont tombés comme leurs prédécesseurs
de l870, qui ont combattu sur ces mêmes rives d'Oise.
Ils sont tombés comme
les poilus qui ont tenu de 1914 des Vosges à la mer avec une opiniâtreté inouïe.
Ils sont tombés comme
leurs successeurs, les vrais résistants de 1941 à 1945.
Comme maire de
l'Isle-Adam, j'ai parcouru, au retour du front quelques jours après la lutte,
ce champ de bataille; je me suis incliné sur presque toutes les tombes de ces
héros, creusées là même où ils avaient lutté et où la mitraille les avaient
fauchés, et je me rappelle plus particulièrement un blockhaus des bords de
l'Oise qui causa grand dommage aux ennemis et dont tous les occupants furent
tués. De ce blockhaus, nous voudrions faire le symbole de notre souvenir et de
notre reconnaissance infinie pour tous ceux qui ont lutté au cours de ces
journées désespérées.
Pour mieux faire
comprendre toute l'importance de ces dures journées de Juin, laissez moi vous
donner les dispositions de combat des unités qui ont courageusement essayé
d'endiguer le flot barbare. Je ne puis mieux faire pour cela que de citer le
texte d'un de ce valeureux commandants d'unités, le colonel Lambert.
«C'est à la 13e
division d'infanterie, commandée par le général Baudoin que revient l'honneur
de défendre le passage de l'Oise à l'Isle-Adam. Cette division était composée
du 21e R.I. (Lt-Colonel Lambert). un bataillon du 264e R.I.
(Commandant Audlauer), du 28e R.A.D (Colonel Hardouin), du 8e R.T.M.
(Commandant Perruchet) du 17e groupe reconnaissance divisionnaire, des
compagnies 13/l et 13/2 du génie, des compagnies de transmissions 13/81 et
13/82, du groupe sanitaire divisionnaire 13 et du 2e bataillon du 264e
R.I. ».
Tous ces régiments
étaient actifs, renforcés pour un quart de réservistes et commandés par des
officiers et sous-officiers moitié active, moitié réserve.
Toutes ces unités
avaient été réduites par des combats près d'Amiens, et surtout par une
résistance vive à Pecquigny (Somme) et sur la rive de Poix; et leur matériel
avait été aussi très diminué par ces attaques. Les marches forcées de la
retraite avaient exténué tous ces hommes.
C'est vers 20 heures le
9 Juin, après une étape de plus de 30 kilomètres qui n'avait été précédée que
par un «long repos» de 3 heures à Noailles, que la 13e D.I. commença à arriver
à l'Isle-Adam.
Un premier ordre
prévoyait une occupation immédiate de la rive sud de l'Oise, mais un second
prescrit le regroupement de l'infanterie dans la forêt de l'Isle-Adam de part
et d'autre de la route nationale à hauteur de la maison forestière de la Grille
de l'Isle-Adam, et pour l'artillerie, l'installation dans des cantonnements
situés aux lisières Nord, Est et Sud de la forêt.
Aucun incident à
signaler dans la nuit du 9 au 10 Juin.
10 JUIN.
Après une nuit de repos qui fit oublier aux hommes les fatigues des jours précédents, les unités, le 10 au matin, étaient en état physique et moral d'accomplir la mission de sacrifice qui allait leur être confiée. La période de détente qui augmenta encore la valeur combative et le bel esprit de la troupe, la remise en ordre, le ravitaillement dans la zone calme du rassemblement, purent se prolonger jusque vers le milieu de l'après-midi.
Vers 15 heures, l'ordre
de défense du secteur de l'Isle-Adam parvient aux chefs de corps qui procèdent
aux reconnaissances.
La défense est
organisée. Il est constitué trois sous-secteurs :
Le 8e R.T.M. tient la
ville de l'Isle-Adam ; sa limite gauche (Sud) passant par la pointe sud de
1'I1e du Prieuré, sa limite droite (Nord) par le château de la Faisanderie.
Le 221e R.I.
occupe la partie sud de la ville et le terrain s'étendant au Sud de l'Isle-Adam
jusqu'à Stors inclus.
Le 60e R.I.
(2e bataillon) occupe la zone comprise entre le château de la Faisanderie et le
Kiosque (1,5 km. S.-O. de Mours). A la droite de la D.I. (N.-E.), vers Persan
se trouve la 16e D.I.; à la gauche (S.-O.), vers Mériel, la 24e D.I.
L'artillerie
divisionnaire est répartie en divers groupements pour l'appui direct des trois régiments
d'infanterie ou pour l'action d'ensemble dans le secteur de la D.I.
Au cours de la bataille,
certains groupements devront en plus fournir des tirs au profit de la 16e D.I.,
dans la région de Persan-Beaumont-Champagne.
La mise en place des
effectifs se fait entre 17 et 21 heures.
L'ordre de la défense se
résume dans la mission d'interdire le passage de l'Oise « sans esprit de
recul ».
Chacun est conscient de
la gravité de l'heure : une immense et inflexible volonté d'arrêter l'ennemi
anime tous les combattants. Dans les compagnies, si les hommes sont moins
nombreux que douze jours auparavant, ils sont plus aguerris. Dès le soir, le
terrain est organisé avec activité, les places de feux sont établies, contrôlées
à tous les échelons du commandement, les liaisons prises. Les hommes creusent
le sol, utilisent les obstacles, les blockhaus inachevés déjà existants sur la
rive; ils réalisent un camouflage remarquable des armes qui étonnera
l'adversaire.
Le 10 à la nuit, les ponts sur l'Oise sautent, à l'exception du barrage-écluse non détruit par ordre d'une autorité supérieure à la Division.
Barrage qui
facilita la traversée de l'Oise aux troupes allemandes.
11 JUIN .
La matinée du 11 est mise à profit pour perfectionner l'organisation défensive des quartiers, des PC, pour vérifier les liaisons entre les points d'appui ou avec les groupes d'artillerie.
Passage des convois de
réfugiés sur la route de Champagne, derrière eux l'ennemi s'approche.
A 11 heures, premiers
coups de feu échangés entre les défenseurs du sous-quartier N. (60e R.I.) et
les éléments peu importants d'avant-garde ennemie.
Dans l'après-midi,
l'action se développe progressivement: les Allemands, fantassins ou éléments
motorisés, se présentent plus nombreux sur la rive nord de l'Oise, surtout dans
la zone entre Champagne et Parmain, devant le 60e R.I. Action brutale de nos
armes automatiques qui infligent des pertes sérieuses à ces premières unités
ennemies.
L'artillerie allemande
arrive rapidement, se met en batterie et commence à exécuter quelques
bombardements systématiques sur la ville, la forêt, les voies de communication,
les P.C. L'artillerie de la D.I. riposte et exécute avec beaucoup de précision
les tirs de concentration demandés par l'infanterie sur les postes de la rive
droite.
Vers la fin de
l'après-midi, les unités d'infanterie ennemie se présentent de plus en plus
importantes et nombreuses sur les pentes, en particulier devant le 60e R.I. et
le 21e R.I.. Le feu des F.-M. et des mitrailleuses joint aux tirs d'arrêt de
l'artillerie amie bloque les fantassins allemands qui subissent des pertes très
sévères constatées en particulier sur les pentes qui, de Champagne, descendent
vers l'Oise où un bataillons est anéanti par le feu intense de la défense.
Peu d'aviation ennemie,
pas d'aviation amie.
Un remaniement de front
de la D.I. est envisagé : le front serait remonté en direction de Mours, le 21e
passant a la droite du 60e (vers la ferme des Vanneaux) qui ne bougerait pas;
le 8e R.T.M. passerait en réserve dans la région de Prérolles; le reste du
secteur laissé par la D.I. serait pris dans la soirée ou la nuit par le 241e
R.I.. On s'attend donc à la relève au plus tard pendant la nuit, mais celle-ci
ne peut s'effectuer, l’unité relevante, pour une cause jusqu'ici inconnue,
n'étant pas arrivée. Seul le 2e bataillon du 264e R.I. se présente, mais reste
en arrière, à la hauteur de la ligne de soutien des sous-secteurs des trois
régiments. Aucune désillusion parmi nos fantassins qui, ayant vu à l’œuvre
l'artillerie divisionnaire et confiants dans la puissance de leurs organes de
feu, éprouvent un sentiment de sécurité et de force.
La nuit arrive mais
aucun repos ne saurait être envisagé, puisque le contact a nettement été pris.
Sur la rive gauche de l'Oise, chacun reste l'oreille aux aguets; les armes
automatiques sont en position de tirs repérés; la confiance est générale;
l'ennemi ne passera pas. Dans la nuit du 11 au 12, tirs fréquents de
harcèlement de notre artillerie sur les lignes atteintes par les Allemands dans
la région de Champagne-Jouy-le-Comte-Parmain.
Le P.C. de la D.I. se
porte à 19 heures au château de Maffliers.
12 JUIN .
Dés 4 heures du matin, les batteries allemandes ouvrent un feu très violent; tout indique qu'il s'agit de tirs de préparation à une attaque d'infanterie en force en vue du franchissement de l'Oise. Toute la zone de la DI est pilonnée; les tirs massifs de l'artillerie allemande dureront sans interruption jusqu'à la nuit tombante. D'après les renseignements d'origine allemande, quinze groupes d'artillerie lourde et légère mènent cet ouragan de feu alors que la 13ème DI ne pouvait y opposer que 5 groupes réduits. Malgré les pertes, notre infanterie est cramponnée au sol, prête à arrêter l'adversaire dès qu'il tentera la traversée de la rivière.
Notre artillerie,
toujours aussi active, répond au tir adverse et exécute fidèlement, rapidement
et avec précision, les tirs prévus et demandés par les commandants de
sous-secteurs de régiment et de quartier de bataillon.
Cependant, peu à peu,
les fantassins allemands, utilisant boqueteaux et vergers, descendent les
pentes Nord et Ouest de l'Oise et, au prix de lourdes pertes infligées par le
feu de nos armes automatiques tirant à cadence rapide, garnissent la rive
droite de l'Oise. Des tentatives de passage à la nage ou en bateaux pneumatiques
ont lieu en fin de matinée et dans l'après-midi, tentatives appuyées par
l'artillerie sous la forme de tirs directs appliqués principalement sur notre
première ligne, ligne principale de résistance qui occupe dans les
sous-secteurs de régiment la berge même de la rive gauche de la rivière. Les
occupants de cette première ligne voient leur nombre diminuer; les trous
individuels, les tranchées s'emplissent de cadavres et de blessés. On a
l'impression de vivre dans un enfer; les liaisons téléphoniques sont rompues,
puis rétablies sous le feu; les P.C., à certains moments, ont la pénible
impression de se sentir en liaison incertaine avec les unités; les conditions
du combat deviennent de plus en plus dures, mais la résistance ne fléchit pas
et l'idée d'un repli n'est acceptée par personne.
Pendant la plus grande partie
de la journée, tous les essais de franchissement de vive force de l'Oise par
les Allemands sont enrayés. Sur le front du 21e R.I., les armes automatiques
ont été parfaitement camouflées et enterrées dans le sol même de la rive entre
l'usine à gaz et les abords de Stors. Les extrémités des canons des F.-M. et
des mitrailleuses, installés dans des sortes de puits, débouchent dans la berge
à quelques centimètres du niveau de l'eau; les feux croisés de ces armes
automatiques constituent une nappe infranchissable de projectiles au ras de la
rivière, dès qu'un groupe ennemi tente de pousser une embarcation vers la rive
gauche, il est mis hors de combat. Du fait de ces dispositions judicieuses,
grâce surtout à la ténacité et au courage invincible des cadres et de la troupe
des 1er et 2e bataillons du 21e R.I. pourtant décimés, aucun
Allemand ne mettra le pied sur la rive Est dans ce sous-secteur.
En fin d'après-midi,
malheureusement, des infiltrations ennemies se produisent. Les Allemands
utilisent le barrage-écluse non détruit (par ordre), prennent pied sur la rive
gauche, s’étalent en direction du château de la Faisanderie, pénètrent
lentement dans les lignes du sous-secteur du 8e R.T.M. Les unités de
sous-secteur ont subi également de lourdes pertes; presque tous les cadres ont
été, au cours de la journée, mis hors de combat; en certains points, il ne
reste plus que des débris de sections qui plient sous le nombre sans cesse
croissant des fantassins allemands. Le bruit se répand que la position
défensive est enfoncée et que l'ennemi progresse sur la rive gauche de l'Oise.
Mais le moral n'est pas atteint, l'esprit de défense à tout prix jusqu'au
sacrifice est tel que personne, chefs et troupes, ne peut admettre cette
incursion de l'ennemi sur la rive gauche alors que toute la journée il a échoué.
Une contre-attaque est montée rapidement; elle est menée avec un cran
magnifique par le capitaine Evain du 8e R.T.M. Celui-ci rassemble quelques
groupes du 8e R.T.M. auxquels viennent se joindre quelques groupes envoyés par
le 60e R.I. et des éléments du 264e R.I.; une section de mitrailleuses est
constituée avec deux pièces récupérées sur le terrain. Ce groupement hétérogène
mais plein d'allant s'organise avec rapidité, gagne une base de départ et d'un
seul élan, appuyé par un tir d'artillerie et celui de mitrailleuses, progresse
dépasse l'ex-P.C. avancé du bataillon du 8e R.T.M. reprend pied sur le
terrain précédemment évacué, réoccupe la position. Les Allemands, devant cette
brutale menée à vive allure, restent sur le terrain ou repassent rapidement de
l'autre côté de l'Oise. Cette contre-attaque rapide et énergique nous a fait
subir des pertes insignifiantes. La réaction ennemie se manifeste par un
redoublement de ses bombardements, mais
nulle part il n'ose plus tenter le passage de l'Oise.
La 13e D.I. avait
magnifiquement rempli sa mission.
A la nuit, on constatait dans
tel ou tel sous-quartier de compagnie que les effectifs étaient devenus
squelettiques, que les cadres étaient gravement réduits, que les postes de
secours regorgeaient de blessés, mais les Allemands avaient éprouvé la force de
résistance des défenseurs, ils devaient reconnaître leur échec, alors que leurs
forces très supérieures leur auraient permis sans doute de bousculer dans une
dernière attaque les « survivants » de la 13e DI.
A la nuit, l'ordre arrivait d'un
nouveau repli. La 13e D.I. étant découverte à sa gauche (Mériel) devait se
replier en direction de Paris et couvrir la capitale aux lisières Nord
d'Enghien, de Saint-Gratien, de Deuil.
L'idée de résistance dominait
tellement dans les unités de la division, le succès de sa défense qui avait
incontestablement interdit aux Allemands le passage de l'Oise devant le front
tenu par la 13e D.I., avait tellement surexcité les énergies, que, de prime
abord, personne ne voulait croire à l'exactitude de cet ordre de retraite. Au
8e R.T.M. un commandant de bataillon obstiné dans son idée de résistance à
outrance se refusait à admettre qu’on abandonne l Oise et il se rendormit dans
son P.C. attendant une confirmation. Le compte-rendu d'un commandant de
quartier est, dans son laconisme et sa mauvaise humeur, magnifiquement éloquent
: « Situation le 12 Juin à 22 heures : l'ennemi nous ayant tourné à
gauche, nous recevons l'ordre d'un repli. Réaction : à tous les échelons,
mécontentement ». Au 21e R.I., les deux commandants du premier
échelon, ne voulant pas croire a un repli alors que 1’ennemi avait subi un
échec, se faisaient répéter et confirmer le même ordre. Des hommes exprimaient
au chef de corps leur volonté de ne pas abandonner un terrain qu'ils avaient si
courageusement défendu.
Malgré que l'infanterie de la
13e D.I. eut réussi à se maintenir sur la rive gauche de l'Oise, malgré
l'insuccès des Allemands devant la ténacité des unités et la science des
artilleurs, il fallut exécuter la marche en retraite vers le Sud.
Les derniers éléments
des régiments d'infanterie se rassemblèrent en bon ordre dans la nuit du 12 au
13, se remirent en route, la mort dans l'âme vers Enghien, décimés mais non
vaincus. Nul ne les inquiéta. Un dernier poste, oublié par l'agent de liaison
chargé de la diffusion de l'ordre, ne se rendit compte de la situation que vers
5 heures le 13 au matin en voyant soudain des fantassins allemands à une courte
distance de lui; habilement, il réussit à se décrocher et à rejoindre son unité.
Des documents ennemis peuvent
servir de conclusion à cet aperçu de la défense réalisée à l'Isle-Adam par la
13e D.I.
Le reporter militaire
allemand du poste radio de Zeemen disait, à l'occasion de ces combats sur
l'Oise : « Nos troupes se sont trouvées devant des troupes françaises
qui ont opposé une forte résistance à notre avance. Nous nous sommes trouvés
devant une artillerie dont le tir s'est révélé d'une précision étonnante. Il y
avait là une armée d'élite. »
Dans une revue militaire
allemande, un officier appartenant à la division de Haute-silésie engagée
devant l'Isle-Adam, déclarait le 21/6/41 : « L'adversaire résistait
héroïquement et repoussait du matin du 12 Juin jusqu'au soir chacun de nos
essais de passer l'Oise».
La division de
Haute-silésie éprouvait à ce point décisif le jour le plus dur et le plus
honorable de la guerre en rencontrant un adversaire qui, se battant avec le
courage du désespoir, était résolu à risquer le tout pour le tout et luttait
littéralement pour chaque trou de tirailleur, chaque emplacement de tir, et
chaque haie...
Le tir furieux des
mitrailleuses et les canons dont les « nids » étaient introuvables
nous éprouvaient beaucoup…
La division a compris
dans ces heures terribles toute la valeur de l'art du camouflage que le
Français comprend parfaitement.
Il est un autre document. C'est celui paru dans le journal allemand Der Vormarsch (L’avance) du 21 Juin 1940 :
Le Général décharge un bunker
Un tas de pierres à chaux d'aspect
inoffensif
se déclarait un dangereux nid de résistance.
Entre Parmain et
Champagne, notre division de Haute-Silésie se trouvait vis-à-vis de la 85ème
division africaine et des restes de la 13ème division et essayait de percer la
dernière ligne de résistance française avant Paris, sur l'Oise. Trois régiments
de tirailleurs attaquaient côte à côte. Le centre de notre possession était le
village de Jouy-le-Comte, sur la pente nord de l'Oise, pendant que les Français
avaient comme centre la petite ville de l'Isle-Adam. L'adversaire résistait
héroïquement et repoussait du matin du 12 juin jusqu'au soir chaque essai de
passer l'Oise.
La division de la
Haute-silésie éprouvait à ce point décisif le jour le plus dur et le plus
honorable de la guerre jusqu'alors, en rencontrant un adversaire qui, se
battant avec le courage du désespoir, était résolu à risquer le tout pour le
tout et luttait littéralement pour chaque trou de tirailleur, chaque bunker et
chaque haie. Plusieurs fois, le commandant de la division s'arrêtait avant les
positions de l'avant-garde de sa propre infanterie pour chercher lut-même une
possibilité d'accélérer l'avance.
Surtout le tir
furieux des mitrailleuses et des canons légers, dont les nids étaient
introuvables, nous éprouvait beaucoup. La division a compris dans ces heures
terribles toute la valeur de l'art du camouflage que le Français comprend
parfaitement, et pas seulement sur l'Oise.
A l'autre rive, sur
la digue, se trouvait un haut tas de pierres, de la chaux blanche, comme il y
en a en mille endroits des fleuves français. Une véritable montagne de trois ou
quatre mètres de hauteur, chaque œil s’attardait la un moment, sans remarquer
quelque chose de louche. Qu'est-ce qu'il pouvait dissimuler ce tas de pierres
blanches qui sautait aux yeux et offrait un but facile? Et pourtant ce maudit
tas nous a fait beaucoup de chagrin : il contenait un bunker de béton,
parfaitement achevé, avec trois Marocains qui avaient toute facilité pour nous
tirer sur la tête. Notre commandant les découvrait enfin.
Bloc pour mitrailleuse établi le long de l'Oise dont l'action
gênera considérablement la traversée du fleuve par les
allemands.
Nous voulons que ce blockhaus,
dont les murs ont été imprégnés du sang de quelques-uns de ces braves, devienne
dépositaire des noms des unités qui furent aux prises, ici, avec l'ennemi et
aussi des noms des cent douze soldats qui succombèrent. Nous voulons qu'à côté
de lui s'élève un monument digne du courage de tous.
Que le blockhaus soit
pour tous, présents et à venir, le Temple de l'Exemple.
Que le monument devienne
une page impérissable d'histoire, et en pensant à Ceux qui, plus tard, y liront
leurs beaux noms, laissez moi vous citer ces vers d'Edmond Rostand :
Oh .' que leur nom à
voix basse
Quand on passe
Toujours lu sur ce
fronton
A chacun donne l'envie
D'une vie
Digne de la mort qu'ils
ont.
Alors qu'en baissant la
tête
On répète
La formule à haute voix,
Qu'en se frappant la
poitrine
On s'incline
Et les yeux fermés trois
fois
Humblement comme l'adepte
Qui n'accepte
Le sang du Dieu qu'à
genoux
Trois fois, tout bas,
comme on prie
On s’écrie
Mort pour nous, pour
nous, pour nous !
Docteur Louis Senlecq.
Président du Comité.
Après la bataille, les Français partis en hâte en direction de Paris n'avaient
pas eu le temps d'enterrer leurs morts.
Les Allemands n'ont fait
que traverser le pays; certains éléments y ont séjourné une nuit, mais le gros
de l'armée s'est mis de suite à la poursuite de nos troupes. Et le soin de
donner une sépulture à nos braves soldats fut dévolu aux habitants restés dans
leur maison ou revenus très vite après un court exode. Vous me permettrez de
vous citer les noms de ceux qui, avec un grand courage, sous la direction de
MM. Ducrocq et Blanchot, ont donné une sépulture à ces 112 soldats.
MM.
Alardie, maire-adjoint,
Blanchot André,
Chatelain Jean-Louis,
Ducrocq Gérard,
Dusautoîs Albert,
Fouquet Gilbert,
Fournaise Paul,
Gohard Julien,
Landron Lucien,
Lebœuf René,
Lèchevin Roger,
Montgaudon Père,
Thierry Alexandre,
Vannier René,
Verbeck Paul,
MMmes
Ducrocq,
Fournaise.
ACTION DU De BATAILLON DU 264e R.I. AU COURS DES
COMBATS
Le 264, R. I. stationné
dans la forêt de Carnelle le l0 Juin l 940, s'est rendu le 11 Juin, après midi,
à l’Isle-Adam, pour y assurer la relève du 8e R .T.M.
Au cours de la journée du 12
juin l'ennemi a exercé une forte pression sur les positions tenues par cette
unité et les unités voisines. L'artillerie de campagne en position sur les
hauteurs de Presles et Neuville renseignée par nos éléments d’observation et
secondée par les feux de mortiers de 8l , a effectué un tir de barrage d’une
violence sans précédent. La Section de Mortiers de 81 de la C. A. B. 2 du 264e
R. I. en position dans le parc du Château Manchez et composée de 14 hommes sous
les ordres de l’Aspirant Wesnachter fut totalement anéantie à l’exception de
leur chef .
Vers l6 heures l'ennemi avait
réussi à s'infiltrer sur l'île de la Dérivation, faisant prisonniers les unités
du 264e R. I. commandées par le Lieutenant Merle. Vers 22 heures, l'ordre de
reprendre la position est donné.
La violence des
bombardements allemands avaient fortement réduit les unités. Aussi la
contre-attaque est-elle déclenchée avec des effectifs restreints composés de
gradés de la C. A. B. 2 du 264e R. I. sous le commandement du Lieutenant
Roncheux et d'une section de Voltigeurs commandée par l'aspirant Bassompierre.
Ces éléments reprennent les
positions vers 23 heures pour les abandonner sur ordre le 13 juin à 1 heure 30
avec position de repli (Gennevilliers).