LA LIGNE CHAUVINEAU
CONCEPTION
L’organisation de la défense dans la région parisienne, dans l’hypothèse d’un conflit futur, à été évoquée pour la première fois le 13 janvier 1930 par la Commission d’études de la défense nationale qui exprime le vœux que « l’adaptation, dans tous les domaines, de la région parisienne aux nécessités du temps de guerre fût étudiée dans son ensemble compte tenu des possibilités financières, et fut réalisée ensuite, suivant les décisions du gouvernement, par l’autorité responsable ».
Suite à cette réunion, le Président du Conseil, le 30 juillet 1930, invite le Secrétaire général de la défense nationale à concevoir un plan d’aménagement de la région parisienne pour le temps de guerre, en vue de déterminer notamment les mesures à prendre pour assurer en toute éventualité :
- le fonctionnement des rouages gouvernementaux (…),
- le maintient de l’activité et la protection de la population de Paris et de sa banlieue.
Les résultats de cette étude sont examinés le 3 mars 1931 au cours d’une séance du Conseil supérieur de la défense nationale. Etaient présents lors de ce conseil M. Fabry, député, vice président de la commission d’étude, le général Gamelin, chef d’Etat-major général de l’armée, le vice-amiral Viclette, chef d’Etat-major général de la marine, le général Bares, chef d’Etat-major général des forces aériennes, le général Pagueneau, inspecteur général des communications et du ravitaillement, M. Thomé, secrétaire général du Ministre de l’intérieur, directeur de la Sûreté générale, M. Fontaneilles, commissaire général technique à la direction générale des transports, le général Pettelat, commandant de la région de Paris.
Les participants conviennent que la situation de la région parisienne, distante de 400 km à vol d’oiseau de la ligne du Rhin, mérite d’être examinée en vue de rechercher s’il ne convient pas de prévoir, en cas de conflit, de nouveaux aménagements de défense.
En conséquence, le général Gamelin[1][1], dans une note[2][2] adressée le 17 mars 1931 au Général Gouverneur de Paris, donna l’ordre d’étudier la ligne de défense de la région de Paris selon les directives suivantes :
I
– Le Gouverneur Militaire de Paris du temps de guerre aurait dès la
mobilisation, la haute responsabilité de la mise en œuvre de la défense de la
région parisienne en ce qui concerne la défense contre un ennemi aérien, la
préparation de la défense contre un ennemi terrestre et le maintient
de l’ordre.
La
préparation de la défense contre un ennemi terrestre fera l’objet d’un plan mis
sur pied en temps de paix dans les conditions définies ci
après, d’après les directives que je vous prie de vouloir bien établir
en partant des données suivantes :
La
commission chargée de l’Etude de la Défense des Frontières consultée sur la
défense de la région Parisienne à exposé à ce sujet 2 conceptions.
Les
opérations se rapportant à la première conception sortent du champ d’action qui
peut être dévolu au Gouverneur Militaire de Paris en temps de guerre. Celui-ci,
en temps de guerre sera donc chargé, à la mobilisation, de la préparation de la
défense dérivant de la 2ème conception, d’après un plan établi dès
le temps de paix ainsi qu’il est dit plus loin.
L’ordre
d’urgence visera :
Après de nouvelles études réalisées en 1938, le général Billotte[3][3] alors gouverneur de la place de Paris adresse une note[4][4] le 25 avril 1939 au général Gamelin dans laquelle il indique que la position envisagée en 1931 se développe sur près de 250 km et que son organisation nécessite au minimum 14 divisions d'infanterie en première ligne, 5 ou 6 divisions en réserve, six EOCA[5][5] et de nombreuses réserves générales. A celles-ci, il faut ajouter des moyens supplémentaires pour s’opposer éventuellement aux mouvements ennemis de débordement soit sur la Haute Seine, soit sur la Basse Seine. Au total, si cette position doit être défendue, le Gouverneur Militaire de Paris devrait disposer de forces très importantes qu’il serait peut être difficile de lui accorder et de considérer comme indépendantes du dispositif principal des armées.
Devant ce constat, il lui paraît nécessaire de rechercher une nouvelle position d’un développement plus réduit pouvant arrêter les incursions d’engins blindés visant à un coup de main sur la capitale et d’assurer la défense de la région parisienne avec des moyens relativement limités le jour ou cette défense serait livrée à elle même.
Il propose donc de nouvelles dispositions pour le tracé de la ligne de défense :
En conclusion, il indique que cette position est plus courte (150 km environ), qu’elle s’appuie sur des obstacles naturels importants et de ce fait est plus facile et plus économique à défendre.
En réponse à cette lettre, le 26 avril 1939, le général Georges[6][6] rédige une note de synthèse sur la question de la défense de la région Parisienne :
« On
doit considérer que la défense de la région Parisienne sera liée au dispositif
général de nos forces, soit que celle-ci aient du se
replier sur la ligne Somme – région de Montdidier – forêts de Compiègne et de
Villers-Cotterêts - l’Ourcq – le Grand Morin, soit au pis
aller, sur la Basse Seine et la Marne ou la Seine Supérieure.
Suivant
le cas la position de résistance couvrant Paris formerait l’un des éléments de
la position générale des armées entre Oise et Marne, ou une tête de pont
couvrant Paris à distance et soudée à ses 2 extrémités sur la Seine ou la
Marne, au front tenu par les armées.
Il
semble donc que dans la situation internationale actuelle, il y a lieu de
maintenir les prévisions faites, de poursuivre le travail commencé en serrant
de plus près, dans l’exécution, les prescriptions de la DM du 17 mars 1931
(constitutions en premier lieu de môle de résistances, et non pas de
dispositifs linéaires continus, profondeur de la position, vérification des
flanquements, etc.).
A
première vue, le tracé indiqué par le général Billotte dans sa note du 25 avril
1939 paraît répondre à ces conditions, sauf dans sa partie Nord (massif de l’Hautil) qui ne se trouve qu’à une vingtaine de kilomètres
de la banlieue Nord de Paris. Le tracé pourrait donc être reporté jusqu’au
cours de l’Aubette (région de Magny en Vexin), les hauteurs de Neuville-Bosc, Amblainville, Rouquerolles, le
Fossé de l’Esche, l’Oise de Beaumont, la forêt de Chantilly. Le reste sans
changement ».
Le 26 juillet 1939, le général Billotte précise ses intentions en proposant la constitution de môles de défense pour barrer l'Oise, l'Ourcq, la Marne, le Grand Morin ainsi que les trouées de Crépy-en-Valois, Coulommiers et Nangis. Le 4 septembre 1939, par une nouvelle note, il détermine l'ordre d'urgence des travaux soit :
1ère urgence : amorcer la position en organisant des môles de résistances dans les secteurs suivant:
- trouée de Crépy-en-Valois.
- trouée de Betz.
- plateau entre le Grand Morin et le bois Sud de Nangis.
- plateau entre le Grand Morin et la Marne.
- vallée de l’Oise.
- vallée de l’Ourcq.
2ème urgence : réaliser un obstacle antichar continu sur tout le front, en utilisant au maximum les obstacles naturels. Pour les obstacles artificiels, en 1ère urgence la position au Sud de l’Oise, 2ème urgence la position au Nord de l’Oise.
3ème urgence : assurer la continuité des organisations de défense et leur donner de la profondeur. Aménager des abris bétonnés pour armes automatiques et antichars. Organiser en profondeur les centres de résistances et les points d'appuis.
[1][1] GAMELIN Maurice (Paris, 1872 - 1958.) Général. Vice président du conseil supérieur de la guerre à partir de 1935. Chef d’Etat-major général en 1935 et de la Défense nationale en 1938. Commandant en chef des forces franco-britanniques en 1939.
[2][2] (DM n°0734-3/II-1 du
17/3/1931)
[3][3] BILLOTTE Gaston Henri Gustave (Sommerval, 1875 - Ypres, 1940.) Général. Gouverneur de la place de Paris en 1937. Au début du conflit, il assure le commandement du premier groupe d’armée dans le Nord de la France.
[4][4] (EM n°14/S/GMP-2)
[5][5] EOCA : éléments organiques de corps d’armée.
[6][6] GEORGES Alphonse Joseph (Montluçon, 1875 – Paris, 1951.) Général. Adjoint au général Gamelin. Il se voit confier en 1939 le commandement du secteur Nord-Est.