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LA FORTIFICATION

Exposé fait en décembre 1929 à l'Ecole Polytechnique par le Colonel CHAUVINEAU - Commandant l'Ecole Militaire et d'Application du Génie.

(Extrait)

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           (...) CHAPITRE III

           COMMENT DÉFENDRE DEMAIN NOTRE FRONTIÈRE.

           A) IL FAUT FORTIFIER L' INFANTERIE DES LE TEMPS DE PAIX.

           Abordons maintenant la 2ème partie de cette conférence : comment défendre demain notre frontière ?.

           Il faut, nous l'avons vu, fortifier l'infanterie. Mais faut-il le faire dès le temps de paix, c'est à dire recourir à la fortification permanente ou bien, comme pendant la dernière guerre, recourir à une fortification de campagne qui a fait ses preuves puisque, tendue le long de nos frontières elle a arrêté l'ennemi pendant plus de 3 années.

           Cette 2ème solution parait séduisante : la mobilisation met, en effet, à la disposition du commandement des effectifs imposants, qui semblent devoir exécuter rapidement les travaux nécessaires.

           Ajoutons que cette solution présente un avantage d'un autre ordre : celui d'occuper le troupier que guettera l'oisiveté des fronts défensifs. Voilà une raison hygiénique qui ne peut que renforcer l'opinion précédente.

           Le malheur, c'est que cette fortification passagère qui, tel le travail de PENELOPE, n'est jamais terminée, exige, avant d'avoir quelque solidité, des délais considérables. Il faut au moins trois mois pour fortifier, même sommairement, une position par ce moyen.

           Vous vous demandez, sans doute, avec quelque étonnement, comment il se fait qu'en 1914, les Allemands et nous, nous nous soyons réciproquement laissé les trois mois de tranquillité nécessaires.

           Cela tient à ce que, au moment où les allemands, battus sur la MARNE, ont décidé de s'enfoncer dans le sol pour mettre un terme à leur recul (fin Septembre 1914), nous avons constaté que nous n'avions plus de munitions d'artillerie.

           Les allemands ont fait d'ailleurs la même constatation au même moment. Or il était beaucoup plus long de fabriquer ces munitions que les positions qu'elles devaient attaquer.

           Mais, au début d'un prochain conflit, je suppose bien qu'instruit par l'expérience, notre agresseur aura des munitions (sans quoi il ne ferait pas la guerre) et, comme pendant plusieurs semaines (si j'osais, je dirais : plusieurs mois), cette énorme machinerie qu'est la mobilisation d'un pays sera en cours de montage, protégée par les faibles effectifs immédiatement disponibles, poussés hâtivement à le frontière, je ne vois pas comment ces effectifs pourront construire des positions solides, à moins de demander à l'ennemi un armistice de quelques mois.

           Il y a bien d'autres bonnes raisons à invoquer pour démontrer que, si nous voulons avoir des barrières fortifiées aux frontières pour y arrêter l'ennemi au début d'une guerre, il faut construire ces barrières en temps de paix, c'est à dire faire de la fortification permanente.

           Je n'ai pas le temps de vous les exposer et je pose maintenant la question suivante :

           COMMENT FORTIFIER L' INFANTERIE EN TEMPS DE PAIX ?

           On ne peut pas faire des tranchées, qui seraient rapidement mises hors d'usage par l'érosion; faire des réseaux de fil de fer conduirait à des achats de terrains considérables. On ne peut donc songer qu'à réaliser une organisation de feux et à faire des abris, et la solution naturelle est de placer les armes automatiques de l'infanterie comme dans la guerre de campagne, de couvrir celles qui agissent en flanquement par des casemates, les autres par des tourelles. Mais il faut bien se rendre compte que, par son service d'espionnage, l'ennemi connaîtra l'emplacement de nos travaux; son canon les attaquera avec précision, sans en oublier aucun.

           Or, l'expérience de la bataille de VERDUN a montré que la fortification permanent ne résiste que par la masse (500m3 au moins par bloc de béton).

           Donc, il faudra réaliser des organes très solides, à l'épreuve, par conséquent très couteux.

           On arrive ainsi à des impossibilités financières.

           B) LA DOCTRINE DES POINTS D'APPUI.

           C'est pourquoi on a été amené à envisager le retour à la notion plus économique des points d'appui; c'était la doctrine d'avant-guerre avec la fortification concentrée. (forts des places avant 1914).

           Mais cette solution elle-même est très critiquée, car on peut, en particulier, lui faire l'objection que l'ennemi passera dans les intervalles entre les forts ou entre les points d'appui.

           Pour y répondre, étudions l'exemple de LIEGE en 1914.

           L' ATTAQUE DE LIEGE

           Le 6 août 1914, la 14ème Brigade d'Infanterie allemande traversa en une nuit la ligne des forts de LIEGE, et ce fait est généralement considéré, bien à tort, comme établissant péremptoirement la faible valeur de la doctrine d'avant-guerre relative aux points d'appui permanents.

           Suivons un témoin oculaire de marque -LUDENDORFF- dans son exposé de l'affaire du 6 août.

           "Le Général Von EMMICH, dit-il, avait mission, avec quelques brigades d'infanterie rapidement mobilisées mais n'ayant pas encore leur effectif complet de guerre, de prendre par surprise la forteresse de LIEGE; on voulait ainsi ouvrir à l'armée la route de la BELGIQUE".

           "La mission qu'avaient à remplir ces brigades était difficile. N'était-ce pas une audace inouîe que vouloir traverser la ligne des forts d'une forteresse moderne pour pénétrer à l'intérieur de celle-ci?".

           "La 14ème Brigade se rassembla à MICHEROUX, à 2 ou 3 kms du fort Fléron. Il y eut quelques coups de fusil et des combats. Mais le fort resta silencieux et ce fut un miracle de DIEU".

           "On se mit en marche vers 1 heure du matin".

           "On devait, en passant au nord du Fort de Fléron, en traversant RETINNE au nord de la ligne des forts, arriver vers le matin sur les hauteurs de la CHARTREUSE, situées aux lisières de la ville. Les autres brigades, qui devaient traverser la ligne des forts à d'autres endroits, auraient à la même heure atteint la ville".

           Suit l'exposé de la progression de la 14ème Brigade et de quelques combats livrés en cours de route. Enfin, au jour, la brigade atteint son objectif, la CHARTREUSE, d'où l'on a la ville à ses pieds.

           Il semble que cette heureuse issue de l'opération aurait dû remplir d'aise le Général LUDENDORFF.

           C'est l'inverse qui se produit.

           "Notre situation, continue-t-il, était extrêmement grave. Des autres brigades, nous n'avions pas de nouvelles, pas même de la IIème. Les estafettes n'avaient pu passer. La brigade était seule dans la ceinture des forts, coupée du monde extérieur, et il fallait compter sur des contre-attaques ennemies".

           La nuit du 6 au 7 se passe dans les transes. Les vainqueurs sont de plus en plus inquiets. Entrer dans LIEGE, c'est disperser la troupe et lui enlever toute faculté de défense ou d'attaque. Par bonheur, il y a là une vieille citadelle sans valeur militaire, où se trouvent casernés quelques soldats belges. La 14ème brigade s'en empare, d'ailleurs sans combat, et s'y installe. De vieux murs suffisent à lui donner quelque impression de sécurité !. peu après, arrivent deux brigades, la IIème et la 27ème, qui avaient, elles aussi, franchi la ligne des forts. Les autres brigades avaient échoué.

            LUDENDORFF en profite pour prendre congé du Général Von EMMICH.

           "La mission que je m'étais donnée à moi-même, dit-il, était terminée. A mon départ, le Général Von EMMICH disposait d'une certaine force. Il est vrai qu'on annonçait que les français avançaient, de la direction de NAMUR. La situation restait donc extrêmement grave. On ne pouvait la considérer comme assurée qu'après la chute d'au moins quelques fort de l'Est".

           Il est impossible d'avouer plus nettement l'erreur de cette attaque brusquée. Voilà des brigades qui traversent une ligne de défense dans laquelle il y a des intervalles énormes, une défense inexistante, des forts mal organisés pour agir efficacement dans les intervalles. Ce sont des circonstances très favorables, sans lesquelles les brigades allemandes se seraient fort probablement fait écharper.

           Une fois de l'autre côté de la barrière, la folie de l'entreprise apparaît tout de suite. La 14ème Brigade a quelques canons, mais elle ose à peine s'en servir, car elle ne voit pas bien comment elle remplacera ses munitions.

           "J'étais obligé, dit LUDENDORFF, d'économiser soigneusement les munitions, qui étaient en quantité très réduite".

           Normalement, la colonne d'attaque, maintenant isolée de son Armée et "séparée du reste du monde" doit être la proie facile des troupes de la défense.

           Mais, autre circonstance favorable, ces troupes ont abandonné la partie. LIEGE, trop en flèche, n'intéresse pas le Commandement Belge, qui redoute d'y engager des effectifs et ne laisse guère dans la forteresse que ce qu'il faut pour défendre les forts. Enfin' l'armée belge, surprise par la guerre en pleine réorganisation, est pour l'instant un adversaire handicapé.

           Malgré ces faveurs de la fortune, les troupes allemandes qui occupent la vieille citadelle n'ont aucune action pour "ouvrir à l'Armée la route de la BELGIQUE".

           Elles doivent cependant rester là pour ne pas montrer l'erreur de leur mission, pour ne pas démoraliser les soldats et enhardir les Belges. mais les Chefs tremblent pour leur sort. C'est pour cela que LUDENDORFF, qui n'est qu'un invité, s'empresse de les quitter; il n'a rien à gagner à prolonger sont séjour dans la citadelle de LIEGE, où l'on ne peut attendre que des catastrophes.

           Sur la route de retour, ses réflexions restent attristées.

           "Le Commandement Suprême, à BERLIN, avait eu, lui aussi, les pires inquiétudes à notre sujet".

           "La situation de nos troupes dans LIEGE était très critique; j'étais inquiet pour leur sort. Heureusement, l'ennemi resta inactif".

           La description de la suite des évènements appartient à l'Histoire.

           "Les forts tombèrent en notre pouvoir peu à peu et assez tôt pour que l'aile droite allemande pût traverser la Meuse et s'avancer en BELGIQUE. J'éprouvai un véritable soulagement".

           Suit une apologie amusante du fait d' armes de LIEGE, destinée sans doute à tromper la masse des lecteurs naïfs.

           "J'ai considéré comme une faveur spéciale du Destin d'avoir pu coopérer à la prise de LIEGE (!), d'autant plus qu'en temps de paix, j'avais collaboré au projet de l'attaque et que j'étais pénétré de son importance. Sa MAJESTE me conféra l'Ordre "Pour le Mérite". Le Général Von EMMICH le reçut naturellement le premier. Il était le Chef responsable. La prise de LIEGE a été, elle aussi, un exploit auquel ont coopéré plusieurs hommes qui peuvent se partager la gloire d'avoir réduit la forteresse".

           Nous pensons, en lisant ces lignes, que seul l'obus de 420 eût dû recevoir l'ordre "Pour le Mérite" parce que c'est lui seul qui, du 12 au 17 août, ouvrit à l'armée allemande la porte de la BELGIQUE, en détruisant les forts.

           L'aventure de LIEGE montre que la force d'un front réside principalement dans la force de ses points d'appui. Il convient simplement de limiter la distance des points d'appui, de manière qu'une percée dans l'intervalle ne puisse être alimentée. Dans ces conditions, si la ligne de défense est défendue, la troupe qui percera sera fatalement la proie d'un défenseur manoeuvrier.

           N'est-ce pas un des plus nets enseignements de la guerre, que cette impossibilité pour l'assaillant d'exploiter une brèche de trop faible largeur ?.

           La Division Marocaine, le 9 mai 1915, en Artois, fait une trouée de 2000 m. dans le front allemand. Puis elle s'engouffre dans cette brèche et monte jusqu'à la côte 140. Le lendemain, elle en était chassée et laissait près de 40000 hommes sur le terrain qu'elle avait un instant conquis.

           Si comme LUDENDORFF, elle avait continué son avance, après avoir traversé "l'intervalle", il est probable qu'elle y serait restée tout entière.

           Personnellement, je me permets, à ce sujet, d'exprimer une opinion :

           C'est que, si le Général d'URBAL avait eu, le 9 mai au soir, des réserves placées au bon endroit, le résultat eût été le même, car la Victoire est une personne majestueuse que l'on ne fait pas passer facilement par un trou d'aiguille.

           On peut dire enfin : si la ville de LIEGE n'avait pas été là, quel aurait bien pu être le but des brigades allemandes, sinon de se faire faire prisonnières?.

           NB - C'est le système des points d'appui qui a triomphé après guerre.

           LES ORGANISATIONS PERMANENTES NE SUPPRIMENT PAS LES DÉFENSEURS, ELLES LES ÉCONOMISENT.

           A la vérité, il faudra aux armées du front, en plus des organisations permanentes, des réserves de troupes pouvant se déplacer rapidement (par camions autos, par exemple) pour jouer le rôle de chien de garde.

           Il y a des gens qui trouvent cette exigence exagérée; ils voudraient obtenir des fronts solides sans donner de soldats. Ce sont eux qui paraissent exigeants, car la fortification économise les soldats, mais ne les supprime pas. Une défensive trop économique au point de vue des effectifs, c'est comme une corde sur laquelle on tire trop : elle finit par casser.

           C) LA FORTIFICATION DE DEMAIN RÉSISTERA-T-ELLE A L' ATTAQUE DU PROJECTILE?.

           Examinons enfin un dernier point : la technique actuelle est-elle capable de nous donner des matériaux résistant bien à l'artillerie ?.

           Jugeons la technique française d'avant 1914 dans ses résultats et prenons le cas de VERDUN. Eh bien l'expérience a prouvé que le béton, à VERDUN, a remarquablement résisté.

           Vous me direz : les Allemands ont pourtant pris en quelques jours le fort de DOUAUMONT ?.

           Quelques pages d'histoire mettront au point cette question.

           Avant 1914, on admettait qu'une place pouvait durer six mois; or, entre le début du bombardement par les canons de gros calibre et la reddition de la place, il s'est écoulé :

           - 3 jours pour LIEGE et NAMUR

           - 4 jours pour ANVERS

           - 3 jours pour NOVO-GEORCIEWRK

           - 8 jours pour MAUBEUGE ( où la fortification était d'ailleurs inexistante)

           Ces redditions si rapides produisirent une forte impression; on les considéra comme une faillite des places fortes, dont un décret du 5 août 1915 consacra la disparition :"Les places fermées destinées à être investies n'ont plus de rôle à jouer. Leurs ouvrages permanents doivent être utilisés dans les lignes de défense successives que les armées de campagne sont amenées à utiliser".

           Or, on n'utilisa pas ces forts et l'on retira leurs garnisons permanentes. Bien plus, on supprima leurs flanquements en enlevant les pièces de 75 qui les assuraient. On brisait ainsi la continuité du feu, c'est à dire toute la garantie de l'organisation défensive. Les forts, transformés en abris passifs, perdaient leur utilité, puisque rien ne pouvait plus engager une troupe à se servir d'une organisation qui ne lui offrait aucun moyen d'arrêter l'ennemi.

           Ces décisions avaient été dictées par une idée fausse, à savoir que les forts étaient des nids à projectiles et qu'il fallait les fuir, de même qu'on fuyait les localités. On doit reconnaître que la destruction rapide des forts belges et russes, qu'on n'osait pas imputer à leur médiocre qualité, expliquait l'erreur commise vis-à-vis des forts français.

           Mais là où l'on comprend mal, c'est quand on constate que, si l'on n'organisa pas à VERDUN l'occupation des forts, par contre, on organisa admirablement leur destruction.

           Le 24 février, l'ordre est donné de bourrer d'explosifs les casemates, les tourelles, les observatoires, les casernes de tous les forts.

           Le 25, les allemands entrent, l'arme à la bretelle, dans DOUAUMONT et n'y trouvent que le gardien de batterie occupé, avec quelques hommes, à exécuter cet ordre.

           Le 26, l'ordre est donné de faire sauter le fort de VAUX. Heureusement un obus de 420 venait de faire exploser dans ce fort la boîte contenant les détonateurs indispensables pour amorcer les charges. Il en résultat un répit qui sauva l'ouvrage, pas complètement toutefois, car un obus allemand de 420 provoqua l'explosion des charges qui se trouvaient dans la tourelle de 75, ce qui entraîna la destruction complète de cet organe.

           Finalement, entre FROIDETERRE et la LAUFEE, c'est-à-dire dans la zone d'attaque la plus dangereuse, il n'existait plus aucune tourelle (celle de VAUX venait de sauter, celles de DOUAUMONT étaient au pouvoir de l'ennemi) et, comme les casemates de flanquement étaient désarmées, il ne restait vraiment plus rien de cette organisation permanente très solide dont nous avons avec joie utilisé peu après les restes.

           Ces restes ont d'ailleurs largement contribué à sauver VERDUN.

           Quant à la mesure qui fit préparer la destruction des forts, elle paraît entachée d'un certain illogisme.

           En effet, du moment que l'on considérait comme dangereux d'utiliser les forts, le danger existait pour les Allemands comme pour nous. Il devenait dès lors logique d'abandonner à l'adversaire des forts en bon état pour l'inciter à s'en servir.

           Si le fort est un piège, un nid à bombes, il faut chercher à y faire entrer l'ennemi.

           Concluons que la décision prescrivant la destruction des forts reconnaissait par là leur valeur et qu'elle était une révolte inconsciente de l'intuition.

           Fort heureusement, les Allemands se chargèrent de réhabiliter notre béton, d'abord en l'attaquant à VERDUN, ensuite en commettant l'erreur d'annoncer au monde entier leur entrée dans le fort de DOUAUMONT, par un communiqué triomphal et truqué.

           "A l'est de la Meuse, devant SA MAJESTÉ l'Empereur et Roi, qui était sur le front, nous avons obtenu des succès importants. Nos vaillantes troupes ont enlevé les hauteurs Sud-ouest de LOUVEMONT, le village de LOUVEMONT et la position fortifiée qui est plus à l'est".

           "Dans une vigoureuse poussée en avant, des régiments de BRANDEBOURG sont arrivés jusqu'au village et au fort cuirassé de DOUAUMONT qu'ils ont enlevé d'assaut".

           Les Allemands complétèrent ce communiqué en déclarant qu'ils avaient pris le Gouverneur du fort, ce qui était rigoureusement vrai, le gardien de batterie étant de beaucoup le plus ancien dans le grade le plus élevé au milieu de la petite troupe de travailleurs qui l'entourait.

           Et ceci prouve, en passant, qu'un communiqué peut être mensonger en ne disant que des choses exactes.

           Ce communiqué est cependant une erreur de plus à l'actif de nos ennemis. Il produisit en France une impression pénible, d'autant plus qu'on ignorait la suppression des garnisons des forts et leur désarmement.

           L'armée allemande bénéficia quelque temps de cette ignorance, malgré les explications officielles françaises qui prouvèrent une fois de plus que la vérité est tout à fait impuissante contre les apparences.

           Mais notre Commandement, impressionné par le fâcheux effet moral qu'avait produit l'abandon de la fortification permanente, songea davantage à la défendre.

           Pendant ce temps, nos soldats constataient à VERDUN que le béton du temps de paix avait été calomnié et que les locaux qu'il recouvrait étaient les seuls endroits du champs de bataille où l'on était absolument à l'abri du feu. Sans doute, il pleuvait sur eux des projectiles plus qu'ailleurs. Mais qu'importe une violente averse pour le promeneur qui a trouvé un abri sûr?. Nous ne jurerions même pas que le déchaînement des éléments ne lui cause, eu égard à sa sécurité, une secrète satisfaction, créatrice d'un bon moral.

           Le Général Commandant la II ème Armée, qui venait de s'installer à SOUILLY pour prendre en mains les destinées de VERDUN, ne pouvait ignorer longtemps l'enthousiasme du poilu pour ces nids à bombes où l'on était si bien.

           Le 12 mars, son Etat-Major résumait l'impression générale par une note qui commence ainsi :

           "L'expérience des derniers combats a permis d'apprécier la capacité de résistance des forts".

           Comme conséquence, le Commandant de l'Armée revint sur toutes les mesures prises avant lui. Il prescrivit le déchargement des dispositifs de destruction des forts, que des projectiles ennemis continuaient de temps en temps à faire exploser prématurément. Il rétablit les garnisons permanentes de ces ouvrages, fit replacer l'armement des casemates de BOURGES là où c'était possible (à VAUX, on ne put réarmer le fort qu'à la fin de 1916), enfin, il décida que les forts seraient vigoureusement défendus, même investis.

           On connaît le résultat de ces mesures, car tous, nous avons plus ou moins vécu quelques temps dans ces abris bétonnés français dont la résistance étonna tout le monde, à commencer par les Allemands.

           Attaqués même à revers, comme VAUX et DOUAUMONT, ce que leurs constructeurs n'avaient certes pas prévu, ils résistèrent à tout.

           Ruinés dans leur apparence extérieure, mais intacts à l'intérieur, ils resteront les témoins immuables d'une lutte formidable et unique entre le canon et la cuirasse, lutte dont ils sont sortis nettement victorieux.

           CONCLUSION

           On étudie actuellement l'organisation de nos frontières et, après l'avoir méprisé, on revient au béton pour la constitution des points d'appui que seront les forts modernes.

           C'est ainsi que le pendule, après avoir oscillé dans un sens, repart en sens contraire.

           Mais ne va-t-on pas maintenant dépasser à nouveau la position d'équilibre?. Certains envisagent la création de véritables mastodontes, dont le prix de revient serait de l'ordre de 50 millions.

           Ne serait-ce pas aller d'un extrême à l'autre ?.

           Mes chers Camarades, je me suis efforcé de vous exposer, dans la mesure qui m'est permise, une question d'importance actualité.

           J'espère que ma conférence vous intéressera aux problèmes de fortification, dont dépend la sécurité du territoire national et vous permettra d'en suivre le développement.

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           Au cours de cette même conférence, on peut également citer ces quelques lignes sur la fortification permanente future :

         NÉCESSITE DE FORTIFIER L' INFANTERIE

         Le tableau que je viens de vous faire du combat défensif vous montre une infanterie répartie dans une zone peu profonde, en butte au tir d'une artillerie puissante.

           Cette infanterie doit cependant créer et entretenir une barrière de feux. Son artillerie, échelonnée en profondeur en arrière de la position d'infanterie, viendra renforcer, compléter parfois, cette barrière de feux.

           C'est donc l'infanterie, arme principale de la défense, qu'il faut fortifier.

           L'artillerie, en effet, doit sa force à ce qu'elle tire de loin. Son éloignement de l'ennemi lui donne plus de calme, c'est à dire une action meilleure; il lui permet de disperser ses pièces dans une zone vaste et profonde, où, elle trouve facilement des emplacements nombreux dans lesquels la nature offre gratuitement des moyens de dissimulation et de camouflage.

           Grâce à ces avantages, grâce aux emplacements de rechange, cette arme est peu exposée aux défaillances. Toujours disponible, elle peut se déplacer à la demande des évènements.

           Ne l'immobilisons donc pas dans des batteries cuirassées ou des tourelles très coûteuses, qui lui enlèvent, à grand frais, tous ses avantages.

           Ne créons même pas d'emplacements de batteries en temps de paix, car ce serait divulguer à l'ennemi notre futur dispositif.

           Contentons-nous d'édifier des observatoires, de préparer des transmissions, d'organiser le commandement et le tir, ce qui exige peu de travaux et peu de crédits.

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