LA LIGNE CHAUVINEAU
De Gaulle
et l'entrée en Belgique
Rapport de la Commission d'Enquête de l'Assemblée Nationale.
M. le général de Villelume.
Extrait de "Année 40" - Jacques Laurent avec la collaboration de Gabriel Jeantet - Edition La table ronde - 1965
(Document aimablement communiqué par Monsieur Sillard)
"Le 20 mars, M. Paul Reynaud devient président du Conseil. Il avait été, pendant les premiers mois de la guerre, partisan de l'entrée de nos troupes en Belgique. Mais je lui avais fait, le 30 janvier 1940, alors qu'il était encore ministre des Finances, le bilan de l'opération.
"Ses avantages : 1) nous grossissons nos effectifs des 22 divisions belges (dont, d'ailleurs, 15 seulement ont quelques valeurs); 2) nous raccourcissons notre front de 50 kilomètres, ce qui permet de récupérer, une fois l'opération achevée, un certain nombre de grandes unités; 3) nous couvrons notre région industrielle du Nord par un matelas de terre étrangère.
"Ses inconvénients : 1) nous perdrons le bénéfice de nos fortifications, quelque imparfaites qu'elles soient; 2) nous affrontons en terrain libre des forces deux fois supérieures aux nôtres; 3) nous exposons nos colonnes à être hâchées par l'aviation; 4) nous leur faisons courir le risque encore beaucoup plus grave d'être coupées de leurs bases; 5) une entrée préventive amènerait la guerre active; or, nous n'avons aucun intérêt à la déclencher, tant à cause de notre faiblesse numérique que de l'état déficient de nos fabrications.
"M. Paul Reynaud avait finalement admis que les inconvénients de l'opération l'emportaient sur ses avantages.
"Malheureusement, le 24
mars, le colonel de Gaulle vient le voir. Je puis juger de ce qu'il va dire au
Président d'après les propos qu'avant d'entrer chez lui il tient à Leca et à moi-même. Selon lui, nous trouverions un
incontestable bénéfice à aller nous installer chez nos voisins belges, même si
leur armée devait s'opposer à notre avance. Il va jusqu'à affirmer que l'armée
allemande n'est pas plus forte que les armées alliées et que les deux aviations
se balancent sensiblement."