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ARTICLE DU FIGARO

sous forme de deux articles parus les 10 mai 1939 et 25 mai 1939.

UNE INVASION est elle encore possible ? (*)

par le Général DUFIEUX (du cadre de réserve)

(*) Une invasion est elle encore possible ? par le général Chauvineau. Préface de M. le maréchal Pétain. Editions Berger-Levrault

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     Les souvenirs de 1914-1918, de ces quatre années où dix de nos départements ont subi sur la totalité ou une partie de leur sol la présence des troupes allemandes, ne sont pas près de s'effacer de notre mémoire. Les Français, lorsqu'ils supputent le réarmement forcené du Troisième Reich et rapprochent de certaines affirmations de Mein Kampf les menaces à peine voilées de la presse hitlérienne, ne peuvent empêcher de se poser la question : Devrons-nous revoir encore le même adversaire sur une partie de notre territoire, supporter la même domination, rendue sans doute plus atroce par l'esprit du nouveau régime tel qu'il se révèle en Autriche et en Tchécoslovaquie?.

     Cette inquiétude est bien naturelle mais il est bon de se rendre compte des conditions dans lesquelles le problème se présente aujourd'hui, et qui sont bien différentes de celles de 1914. 

     Du côté allemand, comme au début de la guerre mondiale, le commandement viserait certainement l'obtention d'un résultat extrêmement rapide : des raisons financières, économiques, alimentaires l'y poussent impérieusement.

     Nous ferons une première remarque. En 1914, nos adversaires se sont bien gardés de s'attaquer directement aux deux barrières fortifiées françaises tendues par Séré de Rivières entre Verdun et la Suisse. On sait que, pour les éviter, ils n'ont pas hésité a violer le territoire belge, risquant de déclencher, l'entrée de l'Angleterre dans la lutte. Il en fut ainsi : le résultat de cette riposte britannique au mépris de la neutralité belge est connu : l'Allemagne, en attaquant Liège, a consommé elle-même sa perte.

     Un mois après, le coup d'arrêt de la Marne, suivi de la course à la mer, marquait l'échec définitif du fameux plan Schlieffen. Une fois formé, de la mer du Nord à la Suisse, le front continu allait imposer aux deux partis, pendant quatre ans, une quasi-immobilité. Le fait est là ; il s'est prolongé assez longtemps pour que personne ne puisse en discuter la réalité. (…illisible) tion brutale, c'est, d'une part, que, lorsque ce front continu s'est trouvé soudé sur 600 kilomètres, avec des tranchées médiocres, les deux partis étaient alors aussi incapables l'un que l'autre de le rompre, faute de munitions en quantités suffisantes ; et, d'autre part, que ce front était  devenu beaucoup plus solide, grâce à trois ans de travaux incessants, lorsque, des deux côtés, on put mettre en ligne pour tenter de le disloquer, une artillerie plus nombreuse, mieux adaptée à son rôle, et des stocks de munitions comme on n'en avait vus dans aucune autre guerre.

     Et cependant, si à ce moment le front continu a paru céder, si l'on a pu croire à une reprise de la guerre de mouvement, il faut admettre que cette continuité de la ligne de bataille a quelque puissance propre, puisque, au bout de quelques jours, l'avance de l'assaillant se trouvait bloquée, même sur les secteurs où le défenseur, complètement rejeté hors de ses organisations préparées à loisir, ne se raccrochait au terrain que par des travaux sommaires, hâtivement exécutés.
     Qu'en conclure, sinon que ce coude à coude oppose à l’offensive une résistance qui ne peut être vaincue, tant que le défenseur dispose des réserves nécessaires pour reformer assez vite le front continu la où il a cédé sous la poussée de l'ennemi?
C'est en se fondant. sur cette constatation que le général Chauvineau, dans un livre très étudié, nous fait part de ses idées sur un système d'organisation fortifiée rapide du terrain qui, a son sens, doit rendre impossible toute tentative d'invasion de notre territoire.
II attribue ce résultat en premier lieu à la mitrailleuse, dont le tir implacable arrête net l'assaillant, rendant impossible toute attaque de front, et inversement oblige le défenseur à rester à son poste, en raison du grave danger des déplacements sous le feu ennemi. «Ce caractère de la guerre devait donner au combat défensif une extrême opiniâtreté, au grand détriment du rendement des attaques.» De fait, on sait combien chez nous coûtèrent les offensives au rabais (en front et en munitions) de l'hiver 1914-1915.

     Lorsque les disponibilités en artillerie et en munitions permirent d'attaquer avec chances de succès sur des fronts plus étendus, deux faits ont frappé ceux qui réfléchissaient sur la forme de la lutte. D'une part, grâce au téléphone et à la multiplicité des routes en territoire français, le défenseur pouvait alerter ses réserves et les diriger en camions vers la région menacée, à une vitesse variant de 10 à 20 kilomètres à l'heure (… illisible) qu’en une journée l’assaillant avançait au plus de 4 kilomètres. D'autre part, le parti de l'attaque n'a jamais réussi qu'à former, dans le front ennemi, non pas un trou, mais une poche plus ou moins profonde.

     « En un mot, le front est élastique, il ne se rompt pas, mais cède sous la pression à manière du caoutchouc et l'une des raisons de cette force nouvelle de la défense est la rapidité et la souplesse  des moyens de transport modernes. On peut maintenant prononcer le mot de manœuvre défensive, car, vraiment, le défenseur manœuvre plus que l'assaillant. Il fut un temps où défensive signifiait dans une certaine mesure inertie. Aujourd'hui, cela veut dire mouvement et vitesse. »

     Cette dernière idée, le général Chauvineau la développa à diverses reprises dans son étude : la vitesse devenue un facteur essentiel de la défense et rendue, au contraire, plus difficile à l'assaillant, si le défenseur a eu soin de détruire roules et ouvrages d'art.

     L'auteur montre également « l'importance décisive de l'organisation en profondeur de positions successives construites d'avance ». Il expose clairement le grave dilemme en face duquel se trouve aujourd'hui l'attaque frontale. Car, dit-il, « attaquer une deuxième position prématurément, c'est l'échec, parce que l 'artillerie assaillante n'a pas eu le temps de préparer son action ; attaquer plus tard, lorsqu'on est bien prêt, c'est aussi l'échec parce que l'ennemi, a eu le temps d'amener des réserves et de constituer, en face, une barrière qu'on ne peut plus briser. »

     En revanche, si le défenseur commet l'erreur de diminuer outre mesure la densité de l'occupation sur le front, celui-ci craque plus facilement. Nous avons connu une période, en France, où a sévi la folie de « la défensive sur de grands fronts ». On pensait que « la puissance de la mitrailleuse rachèterait la pénurie de fantassins ». On oubliait que la machine n'est rien par elle-même, que l'homme qui la manie ne supporte pas longtemps l'isolement devant le danger et que les possibilités techniques du matériel ne peuvent faire abstraction des possibilités morales du servant.
     Sous des formes différentes, « la guerre au vingtième siècle s'appuie sur les mêmes bases simples que le combat antique : continuité, profondeur, enfin mouvement des réserves. » Mais le général Chauvineau (…illisible) continuité du front, qui se limitait à 5 ou 6 kilomètres dans la bataille napoléonienne, embrassera maintenant la longueur totale de la frontière franco-allemande. « De la sorte, il n'y a plus de manœuvre, mais une bataille unique tout le long des frontières. C'est le choc de deux peuples en armes sur un vaste front continu. »

     Si ces prémisses sont admises, il parait difficile de les rejeter, nous devons en tirer les conséquences.

     Nous avons vu que la défensive moderne bénéficiait, mieux qu'autrefois, du facteur « vitesse » et qu'elle est redevable de cet avantage à l'automobile, qui lui permet d'amener rapidement, derrière la partie chancelante du front, les troupes destinées d'abord à « colmater » le mur disloqué. C'est elle encore qui transportera les unités dont la tâche sera de réduire la « poche » formée par l'offensive. « L'automobile, moderne outil de colmatage, est donc bien (surtout dans un pays de réseau routier dense, comme la France) l'artisan principal de la stabilisation des fronts et le facteur décisif qui vient de faire naitre la « manœuvre défensive ». 

     Le général Chauvineau est fondé à écrire « Le résultat est là, formel, indiscutable : jamais l'assaillant n'a trouvé le terrain libre avant le 11 novembre 1918. » . II fait une observation très juste lorsqu'il signale que la longue durée de la guerre de 1914 tient, pour une large part, à ce qu'elle a été une guerre de coalitions. Et il nous rappelle fort opportunément que si les « duels » mettant en présence deux nations se sont toujours terminés très rapidement (1866 : six semaines, 1870-71 six mois), les guerres de coalitions ont, de tout temps, été très longues.

     Si l'on recherche les causes de la grande durée des guerres de coalitions, on les trouve surtout dans l’importance considérable des ressources des deux partis et dans la difficulté d'organiser le haut commandement de façon rationnelle.

     Dans la guerre de 1914 et sans doute plus encore dans la guerre de demain, où les progrès de l'armement ont singulièrement accru les moyens de la défensive, « la supériorité numérique n'a plus d'importance qu'au moment où l'usure générale du moral et des effectif est parvenue à un point voisin de l'effondrement pour l'un des deux camps. »

     Le problème, c'est d'arrêter le feu adverse : seule la fortification permet de résoudre le problème.

     Mais quelle fortification ?

     Ici, le général Chauvineau n'hésite pas à nous indiquer nettement ses préférences. Elles vont plutôt, qu'aux gros ouvrages à l'épreuve du 210, à des abris plus restreints, moins résistants, mais plus nombreux et faciles à camoufler, presque complètement enterrés et « ne montreront guère au-dessus du sol qu'un « ciel » en béton armé de 0 m. 45 d'épaisseur environ, dont les formes fuyantes favoriseront les ricochets. » La chambre de tir d'un tel abri, étant destinée au service d'une seule pièce, mitrailleuse ou canon anti-char.

     « Estimant que l'improvisation est la fille mal venue de l'imprévoyance », il demande qu'une préparation minutieuse du temps de paix répartisse le long de la frontière, dans des dépôts situés à proximité des lieux d'emploi, les matériaux élémentaires du béton armé, les coffrages et créneaux métalliques, ainsi que le fil de fer barbelé qui constitueront les ouvrages préconisés, la défense de leurs abords et de leurs intervalles. Il estime à 200 millions le coût total de ces matériaux pour réaliser, de la région de Bâle à la mer du Nord (600 kilomètres), dix abris au kilomètre, soit 6.000. Et il prévoit, dans ces conditions, et en y appliquant 120.000 travailleurs, un délai de dix à douze jours pour offrir à nos formations mobilisées une barrière fortifiée linéaire mais solide. Dix jours après, ajoute-t-il, cette ligne de défense serait doublée par une deuxième, etc. » 

     Nous pensons que, si la conception est intéressante en elle-même, son application ne permet tout de même pas des espérances aussi optimistes. Sans doute le béton est devenu aujourd'hui du matériel courant de construction, mais il ne peut se passer du temps pour acquérir sa résistance. Il nous paraît raisonnable d'escompter un mois pour construire et laisser sécher ces ouvrages que préconise le général Chauvineau. Nous ne le disons pas pour diminuer la valeur de sa conception, qui reste entière et pleine d'intérêt. Et c'est un résultat que, pour notre part, nous estimons pleinement satisfaisant. Si, dès le temps de paix, notre frontière est barrée par des ouvrages sérieux, suffisamment occupés comme c'est le cas maintenant, nous aurons les délais nécessaires pour créer, en arrière, par le procédé indiqué, toute la profondeur de défenses successives que désirera le commandement.

     Dès lors, l'auteur semble fondé à écrire :

      « La conclusion s'impose : une décision militaire rapide sur terre est possible que par une attaque très puissante et très hâtive, deux conditions d'ailleurs contradictoires ». En effet, au début d'une guerre, la quantité d'artillerie lourde dont disposera l'assaillant ne lui permettra d'agir pour briser notre organisation que sur un front assez limité. Nos réserves de couverture arriveront à « colmater », car l'automobile nous permet de les amener en quelques heures vers le front d’attaque.

Fort bien, dira-t-on. Mais le général Chauvineau oublie que l'aviation se rit des frontières bétonnées et que la ceinture n'empêchera pas les escadres de bombardement de venir faire leur besogne sur les arrières.

     L'auteur n'a pas omis cette possibilité. Il lui consacre un chapitre de son étude. Son point de vue est que les progrès de l'aviation auront pour résultat de réduire le nombre des appareils en service, comme ceux de la marine ont déjà réduit le nombre des navires armés ; et pour le même motif impérieux : la dépense croissante que représentent la construction et l'entretien du matériel navigant dans les airs et sur mer. 

     A la vérité, nous pensons qu'il anticipe quelque peu. A l'heure actuelle le nombre des avions dont disposent, dès le temps de paix les principales puissances, en particulier l'Allemagne, est considérable et permettrait d'exécuter et de renouveler de grosses expéditions dont la réussite se solderait pour le pays attaqué par des dégâts considérables. Mais nous croyons aussi que, si ce pays veut se défendre, ce ne sont pas ces dégâts qui feront fléchir sa volonté. Au surplus, l'agresseur est exposé aux mêmes ruines sur son propre territoire, et cette considération peut le porter à réfléchir.

     Pour nous en tenir à la question posée : Une invasion est-elle encore possible ? nous pensons pouvoir conclure avec lui que, si la France veut se donner l'armature matérielle et morale indispensable, renoncer aux idéologies de Genève et rester résolument une nation armée, tant que les Etats totalitaires n'auront pas renoncé à leurs efforts menaçants, elle n'a pas à craindre une nouvelle invasion. Mais cette affirmation cesserait d'être vraie, si le sentiment national fléchissait, avec le sens de l'effort et la volonté du sacrifice. 

     Nous avons vu à quel degré d'abaissement et de ruine, deux années de folies pouvaient amener le pays. Les renouveler, c'est risquer de le tuer.

     Ne l'oublions jamais. Que le souvenir de l'ilote ivre, dont nous avons récemment donné le spectacle à l'Europe, nous garde, dans l'avenir, de retomber dans de pareils désordres, à la longue mortels.

 Général Dufieux.

(du cadre de réserve.)

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