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ARTICLES PARUS DANS LA "REVUE MILITAIRE FRANÇAISE"

(éditée par la Librairie Militaire Berger - Levrault)

Source : Gallica-BNF

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POINTS D'APPUI ET CENTRES DE RÉSISTANCES

- Avril  Juin 1927 -

Colonel Chauvineau

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          CENTRES DE RÉSISTANCE

                      L'Instruction sur l'emploi tactique des grandes unité ne parle ni des points d'appui ni des centres de résistance.

                   Par contre le règlement d'infanterie et le récent règlement sur l'organisation du terrain en donnent des définitions assez vagues pour que chacun puisse les croire conformes à son opinion personnelle. Aussi, actuellement, ces vieilles expressions militaires ont-elles les significations les plus variées suivant la personne qui les emploie.

                    Nous nous proposons dans cet article de dissiper, si possible, la brume qui entoure le sens de ces deux mots.

                    La fortification s'est toujours, dans le passé, présentée sous la forme d'ensemble fermés, aussi impénétrables que les moyens techniques de l'époque permettaient de les construire.

                    On peut dire qu'elle était l'art de créer des îlots de résistance.

                    L'acropole grecque, l'oppidum romain, le château fort du Moyen âge, les places fortes de Vauban sont des îlots de résistance dans lesquels le souci principal du constructeur est d'empêcher l'ennemi d'entrer.

                      POINTS D'APPUI ET CENTRES DE RÉSISTANCE

                     Vers le début du XIXe siècle un phénomène important se produisit. Il fallait, pour protéger les villes contre une artillerie dont les portées devenaient considérables, des îlots de résistance d'une périphérie tellement grande qu'il n'était plus financièrement possible d'assurer leur impénétrabilité avec les moyens assurément excellents mais coûteux que la technique a toujours offert aux fortificateurs.

                    Nous savons qu'on se tira d'affaire, il y 'a un siècle, sous l'influence d'un apôtre qui était général de cavalerie, en remplaçant l'îlot unique par une ceinture de petits îlots de résistance analogues aux châteaux forts, que l'on appela simplement des forts (1).

                   Sans suivre l'évolution assez complexe du rôle des forts avec le progrès des armes, il nous suffira de rappeler que l'armement automatique et à tir rapide (mitrailleuse, 75) avait permis de leur rendre, à partir de 1900, les caractères des bastions de Vauban.

                    Comme ces bastions, ils avaient pour mission de transformer en barrière infranchissable la ligne de défense dont ils faisaient partie et, pour cela, ils étaient organisés de manière à battre, au moyen de leur armement, les intervalles qui les séparaient des forts de droite et de gauche. Bastions ou forts étaient ainsi des organes restreints, presque des points, qui par leurs feux appuient les défenseurs des intervalles et permettent d'en diminuer le nombre.

                    D'où le nom de point d'appui, qui comporte une idée d'économie des forces.

                    La propriété essentielle de ce point d'appui, c'est d'abord qu'il est indestructible par l’artillerie; c'est ensuite qu'il est, comme autrefois, fermé de toutes parts; cette dernière condition est nécessaire non seulement parce que les casemates qui assurent les flanquements sont des organes importants et qu'il ne faut pas laisser l'ennemi arriver facilement jusqu'à elles, mais aussi parce que la ligne de défense n'est plus une barrière matérielle comme au XVIIe siècle; entre deux points d'appui le terrain est libre et défendu par des troupes mobiles. Ces troupes pouvant être refoulées momentanément, il est possible que l'ennemi progresse dans ces intervalles et investisse momentanément les forts. Si ces derniers pouvaient être enlevés en un jour ou deux, c'est-à-dire pendant la durée d'une bataille, tout l'intérêt de l'organisation permanente disparaîtrait.

                    Ce qui fait la force du défenseur, c'est que les îlots de résistance permanents subsistent même entourés d'ennemis et qu'il est bien délicat, pour celui qui attaque, de passer entre eux et de continuer à avancer.

                   En effet, qu'on imagine une troupe ayant passé entre deux forts sans les avoir pris.

                   Non seulement sa progression sera gênée par les actions de flanc et de revers de l'armement des forts mais l'entretien de cette troupe en personnel, matériel, munitions et vivres deviendra d'autant plus précaire et dangereux que la troupe aura poussé plus avant.

                   En un mot le point d'appui permanent ne permet que l'infiltration d'effectifs faibles, mal outillés, mal soutenus, qui doivent être la proie d'un défenseur vigilant (2).

                    L'évolution des fronts permanents, après 1870, avait influencé fortement notre doctrine officielle dans la défensive en rase campagne et nous savons qu'avant 1914 les fronts improvisés étaient, à l'imitation des forts de nos places, formés de points isolés (villages, fermes, bois, mamelons couronnés do tranchées), séparés par des intervalles peu occupés.

                    La guerre se chargea de montrer qu'on n'a pas le droit de confondre la fortification permanente et la fortification passagère, car elles méritent toutes deux leurs noms. L'une en effet subsiste sous les coups, l'autre passe, et cette différence capitale leur trace des destinées différentes.

                    L'artillerie, concentrant son action sur des points d'appui improvisés, peu solides, que leur organisation même mettait en relief, les détruisit facilement.

                    Leurs défenseurs, constatant que l'invisibilité et la dispersion formaient la meilleure des protections, s'étendirent à droite et à gauche dans l'intervalle (3).

                   La ligne de défense devint continue, occupée presque partout et l'antique notion de point d'appui s'évanouit. Il convient de remarquer que Je défenseur ne s'est pas dispersé de gaieté de cœur. Entre deux maux (dispersion on destruction), il a choisi le moindre

                   Primo, vivere

                   On n'essaya même pas de récriminer et, malgré ses inconvénients, on se mit à organiser la dispersion.

                   Avec la puissance actuelle de l'artillerie, l'organisation du terrain, c'est l’organisation de la dispersion.

                    Le point d'appui étant une notion de concentration, on est en droit de penser qu'il sera malaisé de la maintenir dans la doctrine de la guerre de campagne.

                    Les villages, les bois, les mamelons couronnés de tranchées, que l'on avait baptisés point d'appui avant i9J 4, à cause de séduisantes analogies avec la fortification permanente, étaient bien à peu près isolés, mais ils n'étaient ni dos ni à l'épreuve. En tant que points d'appui, c'était une espèce de camelote. Cependant on attendait d'eux des services semblables à ceux que rendent les forts de nos places, notamment l'économie des effectifs dans les intervalles.

                    On courrait ainsi au devant de déceptions certaines, car les points d'appui ne peuvent barrer la route à l'ennemi parleurs feux que si, au milieu des fluctuations du combat, ils subsistent fermes comme des rocs, même complètement entourés. Dès 1914, on constata que le point d'appui de campagne isolé, submergé par l'attaque, sautait en quelques heures, si ce n'est en quelques minutes, et les exceptions à cette règle ne firent que la confirmer.

                    Le point d'appui d'avant-guerre, que nous avons traité irrévérencieusement de camelote, n'est pourtant pas totalement à mépriser. La camelote se vend, ce qui est le critérium de l'utilité.

                    En présence de nègres, ce point d'appui aura une valeur indéniable.

                    Au début d'une guerre où l'artillerie est encore peu nombreuse, au début même d'une prise de contact où la grosse artillerie est à l'arrière, on les stocks de munitions ne sont pas en place, on peut l'employer avec succès.

                    En effet, sur un terrain où il n'y a pas encore de fortification, les combattants se précipiteront sur les obstacles naturels et les couverts qui les masquent aux vues. Ils s'enfouiront dans les villages, dans les bois, ils s'aligneront dans les chemins creux, derrière les levées de terre ou les haies. ils se dissimuleront dans les cultures.

                    Quant aux terrains bien découverts et dénudés, ils ne recevront ni la visite du fantassin ni par suite celle des obus. On ne s'installera guère en ces points là que lorsque des boyaux ou des parallèles permettront de s'y rendre et d'y vivre.

                    Aussi, avant l'apparition de ces terrassements dont la construction est assez longue, mais qui protègent et camouflent, les défenseurs se grouperont plus volontiers dans les couverts. Les points d'appui naturels d'avant-guerre reparaîtront avec leur isolement relatif, malgré l'inconvénient qu'ils ont d'attirer le feu, lequel, au moment d'une prise de contact est loin d'avoir la puissance que quelques semaines de stabilité pourraient lui donner; et c'est une large atténuation.

                    Si maintenant l'on songe que ce point d'appui improvisé va se transformer chaque jour, grâce à l'intervention de la fortification, qu'il va s'étendre dès que cette dernière donnera au défenseur des possibilités d'installer ses armes en des emplacements meilleurs (4), qu'il va, si l'on peut dire, se disperser progressivement on sera frappé de la complexité d'une telle notion.

                    Le point d'appui vit et grandit. Il franchit toutes les limites qu'on serait tenté de lui assigner sur le terrain et sa croissance ne s'arrête le plus souvent que lorsqu'il est parvenu au contact des points d'appui voisins.

                    La notion de centre de résistance, analogue à celle de point d'appui mais de plus grande ampleur, a une origine moins lointaine.

                    Elle a été introduite, peu avant 1914, dans le vocabulaire militaire, et il semble que la feste allemande n'ait pas été étrangère à sa naissance.

                    Notre doctrine défensive d'avant-guerre tient en deux mots discontinuité et manœuvre.

                    Quand on étudie la tactique, on constate sans peine que l'action des chefs de tous grades est l'impulsion vivifiante qui fait marcher la machine militaire.

                   Pour que cette action puisse s'exercer facilement, il faut que chaque chef ait une mission et un terrain d'action nettement définis. La nécessité de faire correspondre à chaque commandement un domaine territorial dans lequel il soit bien chez lui d e manière à éviter les conflits et à préciser les responsabilités s'impose aussi bien dans l'offensive que dans la défensive.

                   Dans ce dernier cas, le domaine à défendre concrétise pour ainsi dire la mission du chef qui devient comme le gouverneur d'une zone qu'il est chargé d'interdire à l’ennemi.

                   Mais, de même que les places fortes barrant une frontière, de même que les forts d'une place sont sépares par des intervalles, de même on pensait, avant la guerre, qu'il était mauvais, dans une position défensive, d'accoler les domaines des divers chefs, ou, si l'on veut, de rapprocher jusqu'au contact les divers groupements de force destinés à la résistance sur place.

                   On justifiait cette opinion en affirmant qu'il vaut mieux être fort sur certains points que faible partout. En outre, la résistance passive étant dangereuse, l'on voulait ouvrir des portes à la manœuvre, ce qui conduisait à organiser des intervalles libres.

                   Finalement une position se composait, en 1909, de zones passives et de zones actives. Dans les premières, choisies sur les parties du sol les plus favorables à l'action des feux, on enfermait des groupements de forces liées au terrain par leur mission, qui était de tenir même encerclés, et l'on appelait ces forteresses en miniature des  « Centres de résistance ».

                    Dans les secondes, on se proposait d'agir par le mouvement au moyen de troupes réservées.

                    Cette conception de la défensive était séduisante et paraissait logique.

                    Malheureusement, à la guerre, le moindre facteur négligé renverse tous les édifices théoriques. Or, en 1909, on n'appréciait pas à leur juste valeur les effets du feu, qui avaient grandi plus qu'on ne le croyait, si bien que la discontinuité et la manœuvre, telles qu'on les concevait, étaient devenues deux erreurs. A cause du feu, il n'était plus permis de montrer à l'ennemi une organisation isolée, comme un centre de résistance, et la discontinuité devait faire place au camouflage. A cause du feu, les mouvements de troupes dans les intervalles, sur lesquels on basait alors tontes les conceptions de manœuvre dans la défense du terrain, étaient à peu près impossibles et la manœuvre devait se transformer, elle aussi, en prenant un caractère tout différent.

                    D'ailleurs, quand bien même des centres de résistance isolés seraient dotés d'abris solides qui permettraient d'y rester sous le « marmitage », leur occupation ne constituerait pour la défense qu'un appui illusoire.

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                     Depuis Von Sauer, l'assaillant sait qu'il peut les coiffer sous ses tirs de neutralisation, indéfiniment maintenus, pendant que son infanterie progresse dans l’intervalle.

                    L'avantage de l'attaque dans l'intervalle réside dans la grande précision du tir de l'artillerie en direction.

                    La zone de dispersion d'une pièce est en moyenne de 200 mètres en portée et de 50 mètres en direction.

                    A la condition toute théorique de passer à plus de 25 mètres des centres de résistance A et B, l'assaillant évitera de gêner sa propre artillerie.

                    L'attaque d'une tranchée continue est autrement délicate, parce que c'est la dispersion en portée qui intervient et que l'artillerie est obligée d'allonger son tir.

                    Ah! si A et B étaient construits au moyen de la fortification permanente, s'il y avait là des casemates et des tourelles à l’épreuve, l'attaque que nous venons d'envisager ne serait plus possible, car l'artillerie assaillante serait impuissante à éteindre le feu des organisations A et B.

                    C'est justement parce que les deux fortifications ne jouissent pas de propriétés semblables qu'il est interdit d'étendre à l'une d'elles une notion empruntée à l'autre.

                    La facile neutralisation des organisations isolées, qui  conduit à l'infiltration coordonnée, doit éveiller notre méfiance a l'égard de la notion d'intervalle (5).

                    Sans aucun doute il y aura toujours des intervalles entre les groupements de forces, mais ils devront être faibles (6) pour ne pas autoriser l'ennemi, auquel le temps apportera des précisions sur les dispositifs les mieux camouflés, à employer le procédé d'attaque que nous venons de signaler.

                    Neuf fois sur dix, le terrain et la crainte de l'infiltration réduiront peu à peu ces intervalles aux dimensions de ceux qui existent, à l'intérieur d'un point d'appui, entre les divers groupes de combat (7).

                    Voilà pourquoi l'Instruction sur l'organisation du terrain de 1917, rompant avec une tradition dangereuse qui assimilait la fortification de campagne à la fortification permanente, écrivit :

                     Comme la fortification (réseaux et parallèles) était devenue continue (elle le sera encore demain (8), et qu'il est nécessaire qu'en chaque point elle appartienne à quelqu'un, cette décision identifiait le centre de résistance avec la zone d'action de l'unité (généralement un bataillon ) chargée de sa défense.

                    La notion que nous étudions cessait d'évoquer l'idée de concentration des moyens pour concrétiser l'organisation du Commandement dans la défensive.

                    Le front défensif était de la sorte découpé en tranches jointives défendues chacune par un chef de bataillon.

                    Ces tranches étaient groupées en tranches plus larges et plus profondes correspondant au commandement d'un colonel, que l'on appelait sous-secteur.

                    Le même mode de groupement appliqué au sous-secteur fournit le secteur, domaine de la division.

                   Cette organisation est excellente, car elle obéit à deux grands enseignements de la guerre :

                    Le premier c'est que les fronts défensifs sont continus par suite de nécessites inéluctables d'abord s'opposer à l’infiltration et à la manœuvre d'artillerie dont nous venons de parler, ensuite camoufler le dispositif d'infanterie pour lui permettre d'échapper à la destruction.

                    Le second c'est qu'un front doit être commandé en tous ses points et que l'organisation du Commandement, négligée avant 1914, est la base de la résistance. Elle est à la défensive ce que le cerveau et le système nerveux sont aux organismes vivants.

                   Si les centres de résistance sont contigus, pour les mêmes raisons, les points d'appui le sont aussi.

                    L'Instruction de 1917, sans le dire explicitement, le laisse clairement entendre « En situation d'attente comme au combat (offensif ou défensif), écrit-elle, les zones d'action des unités engagées sont jointives.

                    « Mais il ne s'ensuit pas que la position est occupée uniformément.

                    « A l'intérieur des groupes de combat, points d'appui, centres de résistance, il existe des parties actives dans lesquelles sont concentrés les moyens de combat et des intervalles, plus faiblement occupés ou même inoccupés.

                   « L'étendue et le mode d'action de ces intervalles sont essentiellement variables avec le terrain et la situation tactique, »

                   Comment, de ces quelques lignes, ne pas conclure que les intervalles n'existent qu'à l'intérieur des points d'appui et non pas entre les points d'appui?

                    La citation qui précède contient en outre, dans sa phrase finale, une notion très juste qui doit retenir l'attention '« Les intervalles entre les armes, dit-elle, sont essentiellement variables avec la situation. »

                    C'est évident.

                     Croit-on que si un F. M., placé dans une parallèle, est très marmité on ne cherchera pas sur cette parallèle un autre emplacement; que, si l'ennemi modifie son contour apparent. place de nouvelles armes, en retire d'autres, on ne sera pas obligé de s'adapter aux fluctuations d'en face en cherchant des emplacements d'où l'on pourra parer à des menaces locales ou contrebattre de nouveaux groupes ennemis?

                    Le contour fixé aujourd'hui sera déformé demain.

                    On ne saurait  trop le répéter :

                    Un dispositif de feux c'est un organisme qui vit, qui grandit et qui franchira toutes les limites qu'on serait tenté de lui imposer.

                   Le point d'appui apparaît finalement comme une notion complexe et protéiforme.

                   Ce mot évoque, suivant la situation, des aspects très divers : l'isolement relatif et la concentration des moyens au début d'une prise de contact, une zone d'action dès qu'on est installe depuis quelque temps.

                    Mais si l'on songe que le premier aspect est le résultat d une improvisation hâtive, qu'il reflète non pas une organisation, mais un commencement d’organisation, c'est-à-dire quelque chose d’incomplet ou d'inachevé, on peut conclure qu'avec le temps les intervalles de quelque importance disparaissent et que le centre de résistance et le point d'appui tendent à se confondre avec la zone d'action de J'unité qui les utilise.

                    Voyons maintenant ce que dit le Règlement du 12 septembre 1924 sur l'organisation du terrain :

                   Il écrit (art. 56)

                   « On appelle centre de résistance le groupement des organisations occupées par un effectif de l'ordre de grandeur d'un bataillon à l'intérieur du quartier qui lui est dévolu ».

                                      « Ils (les centres de résistance et les points d'appui) sont séparés par des intervalles dont la défense incombe aux commandants des quartiers dans lesquels ils se trouvent. Cette prescription est exactement contraire à celle du Règlement de 1917.

                   Tout d'abord, il faut savoir s'il s'agit d'intervalles peu occupés ou d'intervalles inoccupés.

                   La réponse est donnée par la phrase suivante de l'article 58

                    « Les intervalles correspondent à une discontinuité dans l'occupation du terrain mais non dans l'action de la défense ».

                    Ainsi les intervalles sont battus par les armes placées dans les centres de résistance et ils sont inoccupés.

                    Nous sommes à peu près d'accord avec le Règlement s'il s'agit d'une défensive à son début, car, dans ce cas, le terrain, vierge de trous, sera bien battu par l'armement à tir tendu. Encore faut-il que ce terrain soit découvert et peu accidenté. Un tel centre de résistance ne saurait donc être installé à l'intérieur d'une forêt, ou même dans une zone coupée de nombreux accidents et la définition du Règlement en fait un organe utilisable seulement dans des régions d'un caractère particulier.

                    Considérons maintenant ce centre de résistance implanté sur son terrain d'élection et demandons-nous ce qui va se passer au bout de quelques jours.

                    Le défenseur créera des parallèles continues ainsi que le recommande l'Instruction sur l'emploi tactique des grandes unités.

                    L'assaillant fera des prisonniers et pilonnera les parallèles. Par les prisonniers, en admettant que les autres moyens d'investigations soient en défaut (9), il saura en gros où se trouvent les parties inoccupées et pourra les attaquer en neutralisant les régions qui les encadrent, ainsi que nous l'avons expliqué plus haut.

                    Les parallèles, les trous d'obus offriront à l'infanterie assaillante des couverts et le défenseur, pour l'en chasser, devra faire intervenir la grenade. Mais pour cela l'occupation des intervalles est nécessaire, car la grenade porte de 30 à 150 mètres. Arrêter une attaque au moyen de la grenade, c'est consentir à placer un fantassin ami devant chaque fantassin ennemi.

                    A partir de ce moment, le centre de résistance isolé aura vécu.

                    Faut-il en conclure que le Règlement n'aurait rien compris aux méthodes d'attaque d'un front et à l'inéluctable formation, sur ce front, de trous artificiels (tranchées, boyaux, entonnoirs) qui enlèvent aux mitrailleuses une grande partie de leur efficacité et exigent du défenseur un coude à coude d'autant plus strict que la pelle et les obus uni bouleversé le sol davantage?

                    Le Règlement ajoute en effet à l'article 61 :

                    « Dès que les effectifs ne permettent plus d'y maintenir une surveillance et une densité suffisante du feu, les intervalles constituent des points faibles de l'organisation.

                    « En prévision ou au cours d'une bataille sérieuse et prolongée, il est fait état des renforcements pour diminuer la largeur des zones d'action des diverses unités, augmenter le nombre des centras de résistance et diminuer ainsi la dimension des intervalles qui les séparent ».

                    Ces prescriptions montrent clairement que le Règlement n'a pas grande confiance dans ta valeur d'une ligne de centres de résistance largement espacés, sauf pour les batailles peu sérieuses.

                    En lisant entre les lignes, nous pouvons donc l'interpréter de la manière suivante :

                    « Tant qu'un front n'est pas attaqué, on a le droit de le tenir faiblement. Mais dès que l'ennemi attaque en forces, les intervalles qui existaient sur ce front doivent être comblés au moyen de troupes de renforcement ».

                    Nous allons plus loin que le Règlement en affirmant que les renforts doivent arriver avant l'attaque.

                    Personne n'ignore que les fronts de la grande guerre, qu'ils soient français, anglais, allemands ou russes, ne pouvaient résister à une grande offensive qu'à condition de recevoir des renforts. Nous n'avons pas l'espoir de voir jamais une position prête en permanence à toute éventualité.

                    La défensive sur trois ou quatre cents kilomètres ne peut guère être qu'un service de garde avec des garnisons de sûreté suffisantes pour arrêter de faibles attaques, insuffisantes pour arrêter les grosses.

                    Quand ce service de garde sent venir l'orage et crie au secours, le front sera infailliblement percé si les renforcements se produisent, comme l'envisage l'article 61, au cours de la bataille.

                    C'est exactement ce qui s'est passe à Verdun le 21 février i916. Les conséquences sont fort graves. On perd sa position de résistance et, si l'on ne dispose en arrière que d'une fortification sommaire, comme c'était le cas à la R. F. V., l'on est obligé de subir une lutte pied à pied très coûteuse, car il est tout à fait impossible d’organiser le terrain sous la pression de l’ennemi. La fortification qui sort de terre en pareil cas mériterait plutôt d'être qualifiée de désorganisation de terrain.

                    L'aventure de Verdun met en évidence l'importance considérable du renseignement dans la défensive sur de grands fronts, puisqu'il faut pouvoir renforcer à temps la région menacée. Mais, si le renseignement fait défaut, comment, en cas de surprise, éviter les conséquences d'une première attaque, qui, montée à loisir au contact d'une défense dont les dispositions sont repérables à l'œil nu, est assurément la plus dangereuse?

                   C'est là que la profondeur de la fortification (10) intervient.

                   Une souple organisation des avant-postes, des replis locaux sur des lignes de résistance de rechange, l'utilisation éventuelle des réserves sur une deuxième position où de faibles effectifs gagneront facilement le temps nécessaire à l'arrivée des renforts, en un mot une grande activité du commandement orientée vers la souplesse et le mouvement, basée sur l'utilisation d'une fortification toute prête, aidée par ]a ruse et ]e camouflage, tels sont les seuls remèdes à employer lorsque le défenseur est surpris.

                   Concluons que si, au point de vue occupation, il y a normalement deux dispositifs, l'un pour les petites attaques, l'autre pour les grosses, au point de vue organisation du terrain il n'y en a qu'un celui qui correspond à une défense efficace ; c'est vers ce dispositif que l'on doit tendre. Il ne peut être question, en ce qui concerne la fortification, « d'augmenter le nombre des centres de résistance, en prévision ou au cours d'une bataille sérieuse ».

                   On arriverait toujours trop tard et il semble que le sort des centres de résistance isolés de notre front de Verdun fin février 1916 confirme cette opinion.

                   Il est maintenant permis de se demander pourquoi le Règlement consacre plusieurs pages à décrire un dispositif, dont la réalisation exige un sol un peu exceptionnel et qui n'est susceptible de résister qu'aux attaques faiblement montées, tandis qu'il règle en trois lignes le cas des attaques sérieuses.

                    Il semblerait plus logique d'exposer comment on rend un front vraiment fort (car qui peut le plus peut le moins), puis de montrer dans quelles circonstances on a momentanément le droit de se contenter d'un dispositif fortifié plus sommaire.

                   L'article 56 va nous ouvrir des horizons sur ce point :

                   « Le plan de défense, dit-il, détermine la zone d'action de chaque unité sur la position de résistance. Ces zones sont jointives: mais en raison des effectifs dont on dispose et des nécessités du Commandement, les unités ne peuvent généralement s'étendre sur toute la zone qu'elles ont à défendre.

                    En d'autres termes le Règlement désire pouvoir défendre de grands fronts avec peu de monde.

                    Toute la guerre est là pour prouver que de tels fronts ne tiendront qu'autant qu'ils ne seront pas attaqués. Le Règlement le reconnaît implicitement à l'article 61.

                    Mais sa rédaction trop peu catégorique contribuera à endormir les jeunes générations dans une quiétude dangereuse et nous préparera pour le début de la prochaine guerre le réveil cruel de 1914.

                    Nous estimons illogique de décréter que les fronts auront la résistance que l'organisation de l'armée permet de leur donner.

                    Ne vaudrait-il pas mieux organiser l'armée de manière qu'elle puisse résister aux attaques?

                    Cette question soulève une controverse dont l'importance n'échappera à personne.

                    On trouve actuellement des partisans d'une doctrine de guerre qui sacrifie délibérément la défensive. Constatant qu'il est bien difficile (surtout dans les pays à faible population) d'avoir à la fois une artillerie très nombreuse, très puissante, très riche en munitions, ce qui est indispensable pour attaquer et une infanterie très étoffée, particulièrement nécessaire pour se défendre, ils optent pour les moyens offensifs.

                    Les militaires qui sont à l'avant-garde de cette doctrine déclarent même volontiers, notamment en Angleterre, que l'infanterie doit se transformer, parce qu'elle est devenue incapable de se mouvoir sous le feu. Passe encore quand on attaque, mais quand on se défend, nous ne voyons pas bien qui pourrait la remplacer.

                    Ces idées nous paraissent méconnaître une vérité fondamentale c'est que l'offensive et la défensive ne sont pas deux méthodes de guerre entre lesquelles on peut choisir. Ce sont deux modes d'action que l'on est obligé d'employer en même temps. Bien plus, sur les frontières françaises les plus menacées, nous sommes sûrs que nous ne pourrons jamais attaquer que sur une faible fraction du front total, laquelle correspond au matériel offensif, toujours limité, dont on dispose.

                     Si ce front total a 400 kilomètres de développement, on attaquera par exemple sur 50 kilomètres et par suite on se défendra sur 350.

                    Le métier de défenseur est celui que le soldat d'infanterie fera neuf jours sur dix.

                   Or, on ne se défend pas avec peu de monde ou bien l'on se fait battre.

                   Quand on n'a plus d'infanterie, les fronts craquent de tous côtés, ainsi que nous le montre la période finale de la Grande Guerre.

                   A partir de la fin de 1917 en effet, les infanteries française et allemande décimées par des pertes considérables, réduites encore par la nécessité de former des unités nouvelles dans l'artillerie, les chars, l'aéronautique, etc. par l'obligation de renvoyer à l'arrière les ouvriers nécessaires à la fabrication d'un matériel sans lequel toute offensive était vouée à l'insuccès, n'étaient plus suffisantes pour maintenir l'intégrité des fronts défensifs.

                   Heureusement, la nôtre se trouvait renforcée non seulement par l'infanterie anglaise dont les ressources étaient moins épuisées mais par les premiers éléments américains tandis que l'infanterie allemande devenue incapable de résister sur place essayait de gagner du temps par des replis successifs, ce qui est le commencement de la fin. Voilà pourquoi il ne paraît pas judicieux, sous prétexte de se procurer les moyens nécessaires à l'offensive, de diminuer ceux nécessaires à la défensive.

                    Sans doute il existe une stratégie qui consiste à attaquer là où il y a peu de monde, pour être plus sûr de vaincre.

                    Cela revient à éviter les forces principales ennemies, sans se demander ce qu'elles feront pendant ce temps là.

                    Cela ne nous a pas très bien réussi en août 1914.

                    Cela n'a pas mieux réussi aux Allemands en 1916; où nous leur avons montré qu'il faut être capable, quand on veut prendre Verdun, de ne pas être enfoncé sur la Somme.

                   Nous ne le répéterons jamais assez la guerre ne consiste pas seulement à battre l'ennemi, elle consiste aussi à ne pas être battu par lui.

                    Il faut avoir les moyens de réaliser à la fois l'une et l'autre de ces deux conditions, sinon il vaudrait mieux faire la paix.

                    Au fond de tout cela il y a le secret désir de maintenir notre armée sur le piédestal que ta valeur de ses soldats lui a dressé aux temps où la France était le pays le plus peuplé et le mieux outillé de l'Europe.

                    On veut avec 40 millions d'habitants faire comme s'il y en avait 100. Mais pour se procurer de grosses disponibilités et une puissante artillerie, on sera obligé de confier la défense de 20 kilomètres de front, par exemple, aux 8.000 fantassins d'une division. Cet artifice ne trompera personne que nous-mêmes.

                    Finalement, sous la pression des réalités, on en viendra bon gré mal gré à consacrer aux fronts défensifs l'infanterie qu'ils exigeront impérieusement. Il serait désirable que cette opération ne ressemble pas à nos improvisations hâtives de 1914 et de 1915. Avertis comme nous le sommes par des événements très récents, nous aurions moins d'excuses que nos aînés.

                    Dans le même ordre d'idées, il ne parait pas judicieux de prendre comme base de l'organisation du terrain les effectifs sommaires que le Commandement consacre à la Garde d'un front, au lieu des effectifs plus importants nécessaire à sa défense.

                    Un plan de défense qui ne ferait pas état des renforcements et ne préparerait pas la fortification pour le cas d'une puissante attaque serait un papier sans valeur.

                    L'Instruction du 12 septembre 1924, a pourtant cherché à atténuer les inconvénients graves d'une fortification aménagée en centres de résistance en préconisant le camouflage.

                    « Il importe dans tous les cas, écrit-elle, que l'ennemi ne puisse jamais déceler le mode d'occupation de la position ni l'organisation de la défense.

                    « A aucun moment, les parties occupées (centres de résistance, points d'appui) ne doivent former îlots apparents et leur contours ne doivent pas pouvoir être saisis par la photographie aérienne.

                    « On y parvient en évitant l'occupation régulière des points remarquables du terrain, en prolongeant, aussitôt que les effectifs le permettent, au besoin par un simple décapage, les travaux d'organisation en arrière des intervalles, en observant les règles du camouflage et sa discipline ».

                    Ces remèdes nous paraissent assez peu efficaces, parce que, comme nous l'avons déjà dit, le temps apportera à l’ennemi des précisions sur les dispositifs les mieux camouflés.

                    L'observation terrestre et aérienne, l'examen des photos, l'interrogatoire des prisonniers perceront, avec quelque patience, bien des mystères. Et comme toute la conception du Règlement est basée sur ce mystère, cette base devient d'une fragilité évidente.

                    Au début même de l'organisation défensive, il y aura des difficultés pour mettre à exécution les recommandations qui précèdent.

                  « Éviter l'occupation régulière des points remarquables du terrain x, cela veut dire, si nous comprenons bien, d'éviter les villages, fermes, boqueteaux, pitons, lisières boisées, etc. dont l'occupation est très indiquée.

                    Mais comment empêcher le fantassin d'utiliser ces points où il trouve des couverts qui le protègent momentanément? Aucune prescription ne tiendra contre le désir naturel de protection.

                    D'ailleurs, tant que te terrain n'est pas organisé, lorsqu'il n'y a encore ni parallèles, ni noyaux, si l'on est obligé d'Installer les défenseurs hors des couverts, on les montre presque infailliblement.

                    Dans ce cas, il faut pouvoir faire sortir de terre, en une nuit, dans les parties découvertes, des parallèles continues.

                    Ce travail nécessaire est long et c'est sans doute ce qui a découragé le Règlement, puisqu'il recommande de prolonger, aussitôt que possible, quand les effectifs le permettront, les travaux d'organisation, ce qui revient à dire on fera d'abord des trous là où l'on installe l'armement puis l'on prolongera les terrassements à droite et à gauche. Cette méthode permettra à l'ennemi d'enregistrer l'organisation de nos fronts à condition de les photographier avant les opérations de prolongement que vise le Règlement.

                    Quant au prolongement par simple décapage, il n'a jamais trompé ceux qui savent lire une photographie.

                    Si nous ajoutons à ces objections celles déjà formulées sur l'obligation de battre tous les creux du terrain où l'infiltration est possible, de surveiller les terrassements inoccupés ou peu occupés, d'être prêts à combattre à la grenade dans les nombreuses zones où le tir tendu des armes automatiques n'a pas ou n'a plus d'action, nous conclurons volontiers que la meilleure manière pour que l'ennemi ne sache pas où sont les intervalles, c'est qu'il n'y ait pas d'intervalles (11).

                    Le point d'appui et le centre de résistance nous apparaissent, dans la guerre de campagne, comme des organes complexes qui, tels le têtard, se transforment avec le temps.

                    Par contre, sur un front permanent, le point d'appui (ou fort) est très stable. Sa résistance lui permet de vivre sans avoir recours à aucun artifice.

                    Est-il réellement permis de déclarer, comme le fit l’instruction de 1917, que les points d'appui et les centres de résistances sont contigus.

                   Non, puisqu'il y a des cas où ils ne le sont pas.

                   Ces deux mots ont toujours exprime une idée d’isolement.

                   Maintenons-la, d'accord avec Instruction de 1924.

                   Il en résultera que le point d'appui sera, sur un front de campagne, un organe d'exception.

                   Très utile pour former en vingt-quatre heures une barrière défensive, le temps le détruira rapidement.

                   Sur une ligne de résistance ayant quelques semaines d'existence, il n'y aura pas normalement de points d'appui mais seulement des sous-quartiers.

                   Par contre des points d'appui pourront subsister entre les lignes de résistance et entre les positions, si le terrain et la fortification leur fournissent la dissimulation sans laquelle il ne peuvent vivre.

                    Considéré comme un intermédiaire entre deux barrières continues, comme une avancée par rapport à celle qui est en arrière, comme un réduit pour celle qui est en avant, le point d'appui devient un précieux élément de manœuvre,

                    Il disloque les attaques; il favorise les mouvements locaux du défenseur non seulement par le temps qu'il gagne, mais aussi parce qu'il joue, suivant le cas, le rôle d'avant-garde ou d'arrière-garde fixes.

                    Toutefois il est d'un emploi délicat; ses défenseurs peuvent être encerclés et pris.

                    A titre de conclusion, nous proposons ci-après quelques définitions et prescriptions qui nous paraissent susceptibles de répondre aux objections faites dans cette étude.

                   Une position, c'est un ensemble profond constitué essentiellement par une barrière continue, appelée ligne principale de résistance, barrière protégée en avant par des avant-postes, garantie en arrière par une ou exceptionnellement plusieurs lignes de résistance de rechange.

                    Toute barrière ou ligne de résistance est formée par une combinaison de feux et d'obstacles. Elle occupe en profondeur une bande de terrain de 200 à 300 mètres environ.

                    Elle comporte à l'arrière de cette bande des organisations pour les soutiens des compagnies occupantes. Ces organisations, liées dans le sens du front par des intérêts communs, forment la ligne des soutiens.

                    Sur une ligne de résistance, les zones d'action des compagnies d'infanterie (ou sous-quartiers) sont jointives. Ces zones s'étendent sur toute la profondeur de la ligne de résistance (ligne des soutiens incluse).

                    Les zones d'action des bataillons s'appellent quartiers. Ils s'étendent parfois en profondeur sur deux lignes de résistance distinctes.

                    La nécessité (12) :

                    - d'assurer les liaisons et les déplacements latéraux;

                    - de cacher à l'ennemi le mode d'occupation de la position impose la continuité des parallèles successives, au moins dans les parties découvertes du terrain, et conduit à proscrire tout groupement de forces dont les limites apparaîtraient sur la photographie.

                   La position doit présenter un aspect uniforme sur tout son développement dans le sens du front.

                   Mais il ne s'ensuit pas qu'elle est occupée uniformément. A l'intérieur des sous-quartiers, il existe des parties actives dans lesquelles sont concentrés les moyens de combat et des intervalles plus faiblement occupés ou même inoccupés.

                    Les intervalles doivent être surveillés et efficacement battus par le feu. Leur étendue et leur mode d'occupation sont variables avec le terrain et la situation tactique. Toutefois l'étendue d'un intervalle ne doit pas permettre à l'infanterie ennemie de progresser dans cet intervalle, tandis que son artillerie neutralise les parties actives qui le flanquent.

                    Lorsque les avant-postes peuvent, grâce à la situation et au terrain, donner au Commandement le temps de prendre ses dispositions de combat sur la position de résistance, celle-ci n'est occupée en permanence que par des garnisons de sûreté.

                    Même lorsque les avant-postes ne donnent pas cette garantie, on est souvent obligé de ne tenir une position qu'avec des effectifs trop faibles pour résister à une attaque très importante.

                    Dans ce cas, une bonne articulation des réserves aux divers échelons du Commandement doit permettre d'effectuer à temps les renforcements nécessaires. Il importe donc d'être très bien renseigné sur les préparatifs d'attaque et sur les intentions de l'ennemi.

                    En tout état de cause, l'organisation du terrain doit être faite pour la totalité des effectifs jugés utiles à une bonne défense de la position. (13).

                    Dans les secteurs calmes, les effectifs restreints qui utilisent cette organisation doivent éviter de l'occuper d'une manière immuable. C'est par de fréquents déplacements de forces, aussi bien dans le sens du front qu'en profondeur, que les chefs de tout grade empêcheront l'ennemi d'avoir une idée précise sur l'occupation de la position. Ce moyen doit toujours être complété par la stricte observation des règles et de la discipline du camouflage.

                    La fortification doit être préparée de manière à permettre ces déplacements de forces dans un délai très court. Toutefois il importe de ne pas donner une ampleur exagérée aux terrassements superficiels (tranchées et sapes) qui comportent l'inconvénient de créer des couverts utilisables par l'ennemi en cours de progression et de nécessiter par suite une défense plus étoffée en infanterie.

                    En conséquence, les parallèles et boyaux doivent être assez soigneusement établis et entretenus pour subsister le plus longtemps possible. Tout terrassement inutilisable doit être comblé.

                    On appelle point d'appui une organisation isolée tenue par une compagnie d'infanterie ou un groupement de forces de même importance (14), dans laquelle on a organisé la vie des armes de flanquement destinées à battre les régions voisines.

                    Ces flanquements, qui sont une partie importante du point d'appui et souvent même sa raison d'être, doivent être soustraits aux investigations de l'ennemi. On y parviendra en organisant, plusieurs emplacements pour les armes de flanquement, par l'utilisation des couverts naturels et du camouflage artificiel, par la continuité des réseaux et des parallèles.

                    Lorsque la défensive se prolonge, l'étendue des parties du front qui resteraient inoccupées en cas d'alerte se restreint progressivement au fur et à mesure que les communications enterrées rendent la circulation plus facile. Les point d'appui cessent alors d'être isolés et disparaissent pratiquement, pour se confondre avec les sous-quartiers.

                    On appelle centre de résistance une organisation analogue au point d'appui mais dont l'occupation est assurée par une unité de l'ordre de grandeur d'un bataillon.

                    Un centre de résistance peut comporter des points d'appui disposés en largeur et en profondeur.

                    La continuité étant la meilleure garantie de l'intégrité d'un front, l'isolement des points d'appui et centres de résistance en fait des organisations d'un caractère un peu exceptionnel.

                    Toutefois leur emploi se généralisera au début des périodes défensives et notamment pendant les temps d'arrêt que comporte souvent l'offensive.

                    Entre les lignes de défense d'une position, entre les positions successives, on trouvera fréquemment à les utiliser comme avancées (15) ou comme réduits (15). Ils favoriseront la manœuvre en profondeur à condition de pouvoir être dissimulés.

                    On appelle îlot de résistance une organisation susceptible de tenir même encerclée par l'ennemi.

                    En principe les unités constituées doivent chercher à s'organiser en îlots de résistance à cause des effets de dislocation que ces îlots produisent sur la progression des attaques. Mais il n'est pas toujours facile de réaliser ce désir qui exige, outre des travaux importants, un camouflage très soigné. Cependant le terrain favorise parfois la constitution d'îlots de résistance, grâce au camouflage naturel qu'il procure.

                    L'obligation d'envisager un encerclement par l'ennemi est particulièrement impérieuse pour les organes relativement isolés comme les groupes de combat, les points d'appui, les centres de résistance.

                   On n'oubliera pas toutefois que, si l'encerclement est une situation à laquelle il faut se préparer, elle n'en est pas moins fâcheuse.

                    Il vaut donc mieux l'éviter, ce que l'on obtiendra par une bonne continuité de la défense et par de bonnes liaisons.

                    Le but principal de la manœuvre dans la défensive, c'est de rétablir à chaque instant la continuité du front.

                    Les îlots de résistance donneront au Commandement des facilités pour le remplir, notamment ceux qui jouent le rôle d'avancée ou de réduit.

 

                    Colonel CHAUVINEAU.

 

(1) On passait ainsi de la continuité à discontinuité, opération que nous devions faire en sens inverse en 1915.

(3) Ils y trouvèrent en outre l'avantage de mieux battre le terrain, car, sauf sur un sol tout à fait plat, le désir de supprimer les angles morts et le danger d’infiltration pousse à dispersion On arrive ainsi inévitablement à la continuité qui n'est qu'une forme de dispersion.

 (5) Notons quo tout ce qui vient d'être dit sur la neutralisation des centres de résistance s'applique aux points d’appui.

 (7) Mathématiquement, l’intervalle entre deux groupes de combat ne doit être ni très supérieur ni très intérieur à 8 écarts probables en direction, soit en moyenne 50 mètres. Même sur un tapis de billard, il serait dangereux de porter cet intervalle au-dessus de 100 à 150 mètres. Il serait tout aussi dangereux de le faire tomber au-dessous de 50 mètres, à cause des pertes plus fortes que ce coude à coude engendrerait.

 (8) Certains officiers, méconnaissant les enseignements évidents de la grande guerre se refusent à envisager pour l’avenir la continuité de la fortification.

Ils reviennent ainsi aux errements d'avant-guerre que les infanteries française et allemande ont dû abandonner, au contact des réalités, dés 1914.

La formation de parallèles continues est inévitables.

On leur reproche d’indiquer à l’ennemi où sont les lignes de défense. Mais nous savons tous que le temps apporte à l'adversaire des précisions sur les dispositifs les mieux camouflés.

En changeant fréquemment les armes de place sur un front, en faisant des déplacements d’effectifs en profondeur, on arrivera à l'empêcher de connaître le détail de l'occupation. Quant à lui cacher présence et l’emplacement d'une barrière de feux, c'est une pure utopie.

Les contacts nécessaires entre les défenseurs actifs d'une ligne engendrent une circulation qui ne se fera bien que dans des terrassements qui cachent et protègent. Sans eux, des pistes naîtraient et jalonneraient aussi bien la ligne de défense qu'une tranchée continue sans avoir les avantages de cette dernière, au point de vue de la dissimulation du détail de l'occupation.

 (9) Hypothèse peu admissible, surtout dans une région découverte. Lorsque, sur un sol vierge et nu, l'on ne voit aucun ennemi, c'est qu’il n'y en pas. Les intervalles ont donc beaucoup de chances d'être reconnus à la simple inspection du terrain.

 On appelle réduit un îlot de résistance placé en arrière d'une ligne de résistance, de manière a battre les débouches de cette ligne sur un front aussi étendu que possible.

Les avancées et les réduits n'ont guère d'intérêt que si l'ennemi ne peut les deviner.

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